Marion Rampal peint de Bleu le Studio de l'Ermitage
Marion Rampal
Paris. Mercredi 7 mars 2018. 20h30
Marion Rampal: chant, clavier
Pierre-François Blanchard: clavier
Anne Pacéo: batterie
Lectrices colorées, lecteurs rythmés, l'album " Main Blue " de Marion Rampal n'a pu vous échapper. Il m'a enchanté et je peux enfin découvrir ce groupe, dans sa vérité, sur scène. La salle du Studio de l'Ermitage est archi comble, y compris à la mezzanine.
Une sorte de basse continue sort du clavier. Ca plane tout de suite. Une voix pure et fraîche surgit de l'obscurité. Roulements de maillets sur les tambours. Comme des tambours de guerre au loin. Des vocalises, Marion passe au chant. Dans un anglais impeccable. " What is the soul of a man ? ". Cela me ravit plus encore que l'album. C'est dire. Anne Pacéo est passée aux baguettes et fait chauffer la marmite de Soul.
Enchaînement immédiat pour ne pas casser l'ambiance. C'est pro. En français. Cela sonne à la fois comme une comptine du jadis et électronique. Mélange de langues aussi avec une langue africaine. Une chanson d'amour triste, poignante. Digne d'un conte d'hiver. Batterie et clavier relancent. Anne Pacéo fait chauffer la Soul aux petits oignons. Sera t-il digne de cet amour ce bien aimé? " Savage " tel est le titre de la chanson (cf vidéo sous l'article). C'était d'abord une chanson de Blind Willie Johnson (1902-1947) suivie d'une chanson inspirée de la musique sénégalaise.
" Perfect husband " inspirée du Grand Nord canadien où Marion Rampal n'a pas voyagé. C'est l'histoire d'une épouse qui s'ennuie dans le froid et décide de descendre au Sud là où la neige ne tombe jamais, à La Nouvelle Orléans. Si son mari est le mari parfait, où qu'il aille, il la suivra. Bref, c'est l'inverse du Code civil de 1804 où le mari établit le domicile conjugal, même à l'étranger. Il fallait que les épouses des soldats français les suivent où que l'Empereur les mène. Des bruitages et un rythme de voyage. Ca balance. Chant en duo avec Pierre-François Blanchard qui joue le mari. Le public bat la mesure des mains.
Un chanson de marin écrite par Marion Rampal. L'inspiration vient d'un bal zydeco où elle dansa à La Nouvelle Orléans. Elle précise qu'elle n'a pas d'accordéon mais un marin breton, Pierre-François Blanchard. Il joue ce morceau au mélodica en pensant à l'accordéon de Clifton Chenier (1925-1987). Le marin a perdu sa bien aimée au fond de l'Océan Atlantique entre l'Europe et l'Amérique, comme cette musique. La batterie marque le pas. Le clavier reprend la main. Le mélodica plane au dessus des graves du clavier.
Autre incursion en pays cajun. Avec la voix d'Alma Barthélémy, chanteuse cajun de Louisiane. La chanson se nomme " La belle et les trois capitaines " ou " Sous les lauriers blancs " ou " Sous les rosiers blancs " selon les versions. La voix d'Alma Barthélémy s'élève d'abord puis Marion Rampal enchaîne avec la voix d'Alma en écho. Une vieille chanson française qui a traversé l'Atlantique nous revient à Paris en 2018. En fait, c'est une histoire d'enlèvement, de viol et de meurtre. Une jeune fille enlevée par 3 soldats de passage. Selon les versions de la chanson, elle meurt vraiment ou fait semblant de mourir pour sauver son honneur. Georges Brassens la transforma élégamment en " Les sabots d'Hélène ". " Les trois capitaines l'auraient appelé vilaine " chantait-il. Ligne de basse installée par le clavier. " Tapez tambours ", la batterie répond sous les maillets. Anne Pacéo devient percussionniste jouant à mains nues. La chanson finit avec la voix d'Alma Barthélémy qui raconte, en français de Louisiane, que sa mère était bien meilleure chanteuse qu'elle. Elle allait coudre sous un arbre, écoutait les oiseaux et en faisait une chanson. La même méthode qu'Olivier Messiaen en fait.
Retour à l'anglais. Marion Rampal mixe sa voix pour la faire résonner. Les tambours tournent en boucle. Ligne continue des claviers. Une chanson qui me fend le cœur. " The Heart " (cf extrait audio sous l'article). La voix monte, l'émotion aussi. La batterie et le clavier relancent et redonnent de l'énergie.
Un Blues que chantaient Nina Simone et Paul Robeson. Un Blues qui balance bien. Ca marche. Devant moi, une jeune fille debout se déhanche au rythme de la musique.
Groove poisseux du clavier. " Go for it ". Anne Pacéo arrive en finesse, aux baguettes, sur les cymbales. Le beat est bien en place. Cela ferait une bonne musique de réclame pour équipementier sportif. Dans une version épurée par rapport à celle-ci.
Retour au français et au chant de marin. Juste la voix. Quelques effets légers pour prolonger le chant. Silence religieux pour écouter.
Maintenant, c'est au public de chanter. Marion Rampal nous répète les paroles pour que nous apprenions bien notre catéchisme. En effet, ça parle du Seigneur (Lord in English). " Vous avez répété en fait? " nous dit Marion Rampal pour nous stimuler et obtenir mieux encore. Anne Pacéo fait de nouveau chauffer la marmite de Soul. Ca groove tranquille. Marion Rampal fait la cheffe de chorale jusqu'au final.
RAPPEL
Une petite tisane pour la route nous annonce Marion Rampal. Une ballade en anglais pour calmer le jeu.
Après avoir été enthousiasmé par l'album " Main Blue " de Marion Rampal, je le suis aussi par la prestation scénique de ce trio féminin&masculin. Le temps d'un concert, j'ai été enchanté, ému, chamboulé, amusé. Bref, si la musique est le langage des passions comme l'écrivait Kant, Marion Rampal sait le parler comme personne.