" Le Lambeau " Philippe Lançon
" Le Lambeau "
Editions Gallimard, Paris, 2018, 512 pages.
" On est puceau de l'horreur comme on l'est de la volupté " (Louis Ferdinand Céline, " Voyage au bout de la nuit "). C'est son dépucelage brutal et son réapprentissage de la vie que raconte ici Philippe Lançon, journaliste et écrivain, du 6 janvier 2015, le jour d'avant au 13 novembre 2015, jour du massacre du Bataclan.
Le 7 janvier 2015, Philippe Lançon allait quitter la conférence de rédaction de Charlie Hebdo lorsqu'il voulut montrer à Cabu, un Fou de Jazz, un livre de photos du label Blue Note, the finest in Jazz since 1939. C'est pourquoi il ne croisa pas les tueurs dans l'escalier mais dans la salle de rédaction, se prit une balle d'AK47 dans la mâchoire, fit le mort et survécut.
Puisque rien ne lui a été épargné, Philippe Lançon ne nous épargne rien. Le massacre, l'intervention des secours, les chirurgiens ( surtout une chirurgienne qui tape dans l'œil du président de la République François Hollande), les infirmiers, les aides-soignants, la famille, les amis, la compagne que j'avais croisé lors d'un concert moyen d'Aldo Romano.
Après s'être reconnu dans ma chronique du concert d'Aldo Romano, Philippe Lançon m'avait écrit. Mon style l'avait déçu en bien, comme disent les Suisses. Venant d'un auteur de cette qualité, le compliment m'a fait grand plaisir. Ensuite, je l'ai emmené découvrir Lennie Popkin, qu'il a beaucoup apprécié. Philippe a même gracieusement fourni pour ce blog une chronique de concert de Tom Harrell à New York au Village Vanguard. Tout cela, c'était avant. Avant que Philippe Lançon ne soit transformé en lambeau et n'ait à se reconstruire.
Je n'ai jamais revu Philippe Lançon dans un club de Jazz mais il en écoute toujours car la musique a fait partie de sa reconstruction: Bach d'abord, Bill Evans ensuite (cf extrait audio sous cette chronique) et le son Blue Note (cf. la vidéo sous cet article. Dexter Gordon, sax ténor; Georges Gruntz, piano; Guy Pedersen, contrebasse et Daniel Humair, batterie en club aux Pays-Bas en 1964). Nous devons croire au printemps.