Aldo Romano " New Blood " Quartet en concert au Sunside
" New Blood " Quartet
Paris. Le Sunside.
Jeudi 29 août 2013. 21h.
Aldo Romano: batterie
Michel Bénita: contrebasse
Alessandro Lanzoni: piano
Baptiste Herbin: saxophone alto
La photographie d'Aldo Romano est l'oeuvre du Fiable Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette oeuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propiété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.
Ca commence par un solo du pianiste. Problème de son. Une espèce d'effet de souffle bizarre. Ce garçon a beaucoup écouté Bill Evans. C'est " Ask me now " de Thelonious Monk traité à la manière de Bill Evans. Un peu de fougue italienne au final.
Après ce solo introductif, les autres musiciens montent sur scène. Ca joue hard bop années 60. Logique puisqu'ils jouent la musique de " The Connection " (Freddie Redd, 1960), tragédie racontant l'histoire de Jazzmen junkies attendant leur dealer qui se révélera être une seule et même personne (" The connection "), adaptée au cinéma par Shirley Clarke (1962). Ici, mainfestement, aucun musicien n'est camé. Heureusement pour eux. Baptiste Herbin fait un Jackie Mac Lean très convaincant. La rythmique tourne tranquille. Pulsation bien régulière de la batterie. Nous revenons plus de cinquante ans en arrière. Nihil novi sub sole mais c'est fait avec amour et conviction. On ferme les yeux et on se croirait à Paris au Blue Note. Sauf que le pianiste n'est ni Bud Powell ni Martial Solal. Il n'a pas le sens de la démesure dans la folie pour le premier, dans la logique pour le second.
Solo de batterie sec, lourd pour lancer le groupe. Ca joue vite et sec, bien dans l'esprit hard bop. " Jouer Be Bop, c'est comme jouer au Scrabble mais sans les voyelles " (Duke Ellington). Solo de sax alto. Impeccable. Baptiste Herbin fait très bien ce qui lui est demandé de faire: Jackie Mac Lean. Il sait aussi jouer parfaitement le rôle de Johny Hodges. Il me reste maintenant à le découvrir jouant Baptiste Herbin. Assise devant moi, une mamie connaisseuse, bavarde, remuante, se penche pour regarder les mains du pianiste. A croire qu'elle fait partie du spectacle tant elle se montre. La rythmique joue souple, le sax sec. Le tout est bien fouetté. Nous ne sommes plus en 1963. Les musiciens boivent de l'eau pendant le concert.
Léger tapotis de batterie. Le trio part tout en souplesse, en balancement. Ca swingue. Le sax est devenu velouté, sensuel. Ca tombe bien. Je suis entouré de couples amoureux. Baptiste pousse dans les graves de l'instrument, tendant vers le ténor. Ca balance comme dans un rocking chair, ce qui fait du bien vu l'inconfort légendaire des chaises du Sunside, dépassé seulement par celui des poufs du Sunset, à l'étage en dessous. Aldo tricote avec légèreté et élégance. La mamie se penche pour le voir jouer. Elle a pourtant bien dit en s'installant qu'elle n'avait pas besoin de le voir, qu'elle voyait Aldo Romano en concert depuis des années. Elle cède à sa passion. Baptiste attaque très fort, s'assouplissant, se calment en un instant. Ce jeune homme maîtrise son instrument. Aldo Romano joue superbement. Il mène son quartet à la pointe de ses baguettes.
Baptiste sort de scène pour laisser jouer la rythmique. Une ballade à l'évidence. Aldo a pris ses balais. Ambiance " Coucher de soleil sur la Riviera ". Il y a déjà le piano, il manque la belle fille en lamé avec la coupe de Champagne. A moins qu'elle ne préfère un cocktail. La question reste ouverte. Un dernier plongeon dans la piscine et c'est fini.
Après cet intermède méditerranéen, retour de Baptiste Herbin sur scène et du Hard Bop. Ca sonne un peu exercice de style, tout de même. Une dernière claque de batterie et Aldo enchaîne aussi sec, à l'américaine, ne laissant pas au public le temps de finir d'applaudir. La pression ne se relâche pas et c'est bien. Ca échange dur entre les quatre. La mamie continue son show. Maintenant, elle fait sonner son collier, une sorte de chaîne d'esclave en bois. En se levant, elle se prend de bec avec son voisin de devant qui n'a pas apprécié son manège (éventail, écharpe, pieds, mouvements, commentaires).
PAUSE
J'ai ma dose de hard bop pour ce soir. Le bon vent me dit que ma mie m'attend. Le concert se finira sans moi. Comme l'écrit fort justement Raphaelle Tchamitchian pour Citizenjazz, il s'agit d' " une production lisse et propre, bien loin de l'urgence de l'original ". Rien à ajouter.
Enfin, si. Mon voisin de gauche, celui dont la mamie remuante confondait le mojito avec le sien, a assisté au deuxième set. Voici ses impressions qu'il m'a aimablement transmises. Merci à lui pour sa vigilance.
Le second set était nettement meilleur, même si pas fondamentalement différent. Simplement, dans le style, le choix et l'échange, meilleur. Aldo Romano semblait dormir comme une vieille chouette veillant dans le grenier sur ses fantômes, mais il ne dormait pas, et il a deux ou trois fois installé un bel espace sonore dans lequel les autres ont plongé. Un jeune trompettiste est monté sur scène vers la fin, mais je ne le connais pas. C'est le bassiste, Michel Bénita, ce soir-là, qui nous a le plus séduits.