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Sélection de concerts de Jazz à Paris et en Ile de France pour décembre 2015

Publié le par Guillaume Lagrée

Lectrices bienveillantes, lecteurs généreux, avec ma partialité habituelle, je vous propose la sélection suivante de concerts de Jazz à Paris et en Ile de France pour décembre 2015.

Pour un agenda complet, voyez Citizenjazz.

Dans le Val d'Oise, le 20e festival Jazz au Fil de l'Oise se déroule jusqu'au dimanche 13 décembre 2015.

Jeudi 3 décembre:

- Paris, 1er arrondissement, rue des Lombards, soirée Paris Jazz Club. Une entrée à 28€ vous donne droit à 8 concerts dans 3 clubs (Sunset-Sunside, Baiser salé, Duc des Lombards) pour la soirée Gaya Music avec notamment le pianiste Adrien Chicot, déjà célébré sur ce blog.

Samedi 5 décembre:

- 20h aux Lilas, Seine Saint Denis, au Triton : Laurent Dehors Quintet invite Elise Caron pour une " Chanson politique ". Un programme qui s'impose à la veille du 1er tour des élections régionales en France.

- 21h au Triton: Band of Dogs invite Marc Ducret (guitare électrique). Ames sensibles, s'abstenir.

- 21h à Paris, au Sunside: Kevin Hays & Grégoire Maret (harmonica)

- 21h à Conflans Sainte Honorine, Yvelines, dans le cadre de Jazz au confluent: PJ5, quintet du guitariste français Paul Jarret, déjà encensé sur ce blog.

Dimanche 6 décembre:

- 17h à Bagneux, Hauts de Seine, Maison de la Musique et de la Danse, Fabrica'son: trio Viret/Ferlet/Moreau déjà louangé sur ce blog.

- 19h30 à Paris, au Studio de l'Ermitage: Patrice Caratini Ciné concert suivi du Bal. C'est le moment d'emballer!

Lundi 7 décembre:

- 20h30 à Saint Denis, Seine Saint Denis, au Jazz Club de Saint Denis: Elisabeth Kontomanou (chant) & Emmanuel Bex (orgue, piano). Le réchauffement climatique tel qu'on l'aime.

Mercredi 9 décembre:

- 19h, à Paris, au Baiser Salé, le duo Mario Canonge (piano)/Michel Zenino (contrebasse) poursuit sa mission. Transmettre de la beauté.

- 21h30 à Paris, au Baiser Salé, Rick Margitza quartet, saxophoniste ténor notoirement méconnu.

Jeudi 10 décembre:

- 19h30 et 21h30, à Paris, au Sunside, le duo inédit Martial Solal&Dave Liebman. LE concert du mois.

- 19h30, à Paris, à la Chapelle des Lombards, Napoleon Murphy Brock, le saxophoniste de Franck Zappa.

- 19h30 et 21h30, à Paris, au Duc des Lombards, le trio de Ronnie Lynn Patterson, pianiste ami de Martial Solal.

- 21h30 à Paris, au Petit Journal Montparnasse, Eric Le Lann quartet, trompettiste fêté largement sur ce blog.

Vendredi 11 décembre:

- 19h30 à Paris, à la Chapelle des Lombards, Napoleon Murphy Brock.

- 20h et 22h à Paris, au Sunside, le duo inédit Martial Solal&Dave Liebman. Puisque je vous dis que c'est LE concert du mois, sapristi!

Jeudi 17 décembre:

- 21h aux Lllas, Seine Saint Denis, au Triton: Daniel Humair/ Vincent Le Quang/Stéphane Kerecki. Free Jazz is not dead.

- 21h30 à Paris au Jazz Club Etoile: Rhoda Scott&Friends. L'organiste aux pieds nus groove toujours.

Vendredi 18 décembre:

- 20h aux Lilas, Seine Saint Denis, au Triton: Benjamin Moussay/Michel Benita/Aldo Romano " Sotto voce ". Chi va piano va sano. Chi va sano va lontano. Chi va forte va alla morte.

- 21h30 à Paris au Jazz Club Etoile: Rhoda Scott&Friends. L'organiste aux pieds nus groove toujours.

Samedi 19 décembre:

- 21h aux Lilas, Seine Saint Denis, au Triton: Henri Texier Sextet " Sky Dancers ". Henri Texier est le contou et le disou de la contrebasse.

- 21h30 à Paris au Jazz Club Etoile: Rhoda Scott&Friends. L'organiste aux pieds nus groove toujours.

Samedi 26 décembre:

- 21h30 à Paris au Sunset: Philip Catherine/Emmanuel Bex/Aldo Romano. Un trio orgue/guitare/batterie qui a réinventé la formule loin des gimmicks made in USA.

Dimanche 27 décembre:

- 21h30 à Paris au Sunset: Philip Catherine/Emmanuel Bex/Aldo Romano. Un trio orgue/guitare/batterie qui a réinventé la formule loin des gimmicks made in USA.

Lundi 28 décembre:

- 21h30 à Paris au Sunset: Philip Catherine/Emmanuel Bex/Aldo Romano. Un trio orgue/guitare/batterie qui a réinventé la formule loin des gimmicks made in USA.

Mardi 29 décembre:

- 21h à Paris au Sunside: Véronique Herman Sambin, chanteuse guadeloupéenne qui mélange superbement Jazz et Caraïbes.

Mercredi 31 décembre:

- 20h et 22h30 à Paris, au Sunset: le Lady Quartet de Rhoda Scott. Finissez l'année dans une orgie de Swing, lectrices bienveillantes, lecteurs généreux.

La photographie d'Elise Caron est l'oeuvre du Philogyne Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette oeuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.

Elise Caron par Juan Carlos HERNANDEZ

Elise Caron par Juan Carlos HERNANDEZ

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Martial Solal&Dave Liebman à Paris les 10 et 11 décembre 2015

Publié le par Guillaume Lagrée

Lectrices exigeantes, lecteurs sélectifs, si vous ne devez vous rendre qu'à un seul concert de Jazz à Paris en décembre 2015, soyez au Sunside le jeudi 10 décembre à 19h30 ou 21h30 ou le vendredi 11 décembre à 20h et 22h.

Au programme, un duo inédit

Martial Solal (piano)

et

Dave Liebman (saxophones, flûtes)

Martial Solal est né en 1927. C'est son premier concert public après 18 mois de retraite. Il se croyait trop âgé et affaibli pour ce genre de sport. Lee Konitz, son coetano comme disent les Italiens, l'a sorti de sa retraite. Pour avoir assisté à ce concert privé en octobre 2015, à Paris, je puis assurer que, sans rien avoir perdu de son imagination foisonnante, Martial Solal a épuré sa technique pour en tirer le meilleur.

Quant à Dave Liebman, est-il nécessaire de présenter ce musicien majeur du Jazz des 40 dernières années?

Entrée à 45€ soit le double du prix d'un concert ordinaire mais, justement, il ne s'agit pas d'un concert ordinaire.

La photographie de Martial Solal est l'oeuvre de l'Epatant Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette oeuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.

Martial Solal par Juan Carlos HERNANDEZ

Martial Solal par Juan Carlos HERNANDEZ

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Lee Konitz & Dan Tepfer: Conversation sur l'improvisation

Publié le par Guillaume Lagrée

Dan Tepfer & Lee Konitz

« Conversation sur l’improvisation »

4 décembre 2012

Tiré des Talking Music Series de American Chamber Music

Traduit de l’anglais par Guillaume Lagrée

Lectrices impitoyables, lecteurs implacables, j'implore votre indulgence.

En effet, j'ai traduit de l'anglo-américain une conversation entre Dan Tepfer (né en 1982) et Lee Konitz (né en 1927) sur l'art de l'improvisation. Dan posait les questions, Lee fournissait les réponses. Dan Tepfer, qui, lui, est parfaitement bilingue, a relu ma traduction. Tous les gallicismes, barbarismes, solécismes, anglicismes, imprécisions, approximations et erreurs sont de mon fait.

A écouter leur album duo " Duos with Lee "

Lee Konitz a eu 85 ans en octobre (NDT: cette interview date de 2012. Lee Konitz est né en 1927 comme son complice Martial Solal) et sa longue et honorable carrière comme l'un des saxophonistes les plus singuliers du Jazz ne nécessite pas d'introduction (mais si vous avez besoin d'une, la voici). Il est connu en particulier pour sa concentration intense sur l'intégrité dans l'improvisation, un désir pour chaque choix musical de refléter l'instant présent autant que possible au lieu d'un plan pré établi ou d'une habitude.

Il est facile de ne pas s'apercevoir à quel point cette position est radicale. Dans beaucoup d'autres genres musicaux, du classique à la pop, le but dans une performance en direct est l'opposé: reproduire un plan soigneusement pensé aussi fidèlement que possible. Même dans le Jazz, il n'est pas rare que des groupes adoptent une position hybride où une bonne partie du matériau, même en dehors des parties écrites, est prédéterminée. Malgré tout cela, Lee a d'une certaine manière insisté obstinément sur le fait d'arriver à ses concerts préparé à ne pas être préparé et a (le plus souvent) régalé ses publics en agissant ainsi.

Dans mes 7 années à jouer avec Lee dans différents contextes j'ai pu observer son engagement dans le premier moment, en particulier dans le jeu en duo. Un résultat direct de cette approche est que la musique est rarement ennuyeuse, les spectateurs semblent comprendre intuitivement que quelque chose d'unique a lieu; ils font attention à ce que font les gens quand ils ne savent vraiment pas ce qui va se passer ensuite.

Et pourtant il m'est aussi apparu clairement que nos publics ne comprennent pas toujours nécessairement ce qui est en jeu quand nous jouons. Dans son engagement à la vraie improvisation, Lee ne prend pas un chemin facile. L'échec est très souvent une option. Et le succès, sous la forme d'un engagement authentique dans la vérité du moment, ne sonnera peut-être pas comme un succès pour un auditeur habitué à des effets virtuoses.

Je me suis rappelé de cela il y a quelques mois quand Lee et moi avons joué un concert en duo au Belgrade Jazz Festival. Dans l'après-midi avant le concert, j'ai dirigé un atelier (workshop) avec de jeunes musiciens locaux. Un certain nombre d'entre eux était très talentueux mais - comme cela est fréquent avec des jeunes musiciens - ils ont tendance à jouer des motifs prévisibles qui n'étaient pas en relation étroite avec ce qui se passait d'autre. Au final, j'ai passé un long moment de l'atelier à discuter sur l'importance d'écouter et sur l'objectif de réagir aussi authentiquement que possible à ce que nous entendions, plutôt que de débiter ce que nous savions déjà.

Dans le public il y avait deux gars dans la trentaine qui écoutaient intensément. Après le concert, l'un d'eux s'est approché de moi et m'a dit qu'il avait aimé le concert mais que cela n'aurait peut-être pas été le cas s'il n'avait pas écouté mon atelier plus tôt dans la journée. Il expliquait que s'il n'avait pas été clair pour lui que notre principal objectif sur scène était d'être aussi spontané et authentique que possible, il aurait peut-être interprété l'ouverture de notre concert comme un signe de timidité, plutôt qu'une recherche engagée de communication, et serait parti. C'était un compositeur de musique électronique et son boulot était de mettre l'auditeur le cul par terre aussi vite et aussi efficacement que possible. Mais, maintenant qu'il avait compris les règles de notre jeu, il s'était trouvé inensément captivé par notre concert, prêtant attention à la manière dont les notes que nous jouions semblaient s'accorder avec l'émotion dans la pièce à ce moment, et à la qualité de l'écoute et de la communication entre nous.

J'ai compris à quel point le concept d'improvisation réel est insaisissable. C'est une chose subtile qui n'est pas facile à expliquer. En tant qu'auditeur, il peut être pardonné de demander pourquoi la question de l'improvisation est au premier plan. Dans l'entretien qui suit, que j'ai effectué pour Chamber Music America à la fin de 2012, Lee et moi explorons ce sujet épineux, parmi d'autres. J'ai beaucoup appris de cette conversation.

Dan Tepfer

  1. Spontanéité

Dan Tepfer : Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles je suis content de connaître Lee Konitz depuis 7 ans.

Lee Konitz : Peux tu me donner une bonne raison ?

DT : Voici peut-être la raison la plus importante ou la plus grosse influence que Lee a exercé sur moi : nous sommes assis ici en train de réaliser cet entretien et, plutot que d’être très formel et, disons, d’adhérer au format de l’entretien, Lee arrive et, simplement, comme il le fait toujours, il garde cela réel. Jeannette, dans son introduction parle du statut de mentor : Lee parle de sexe. Ou il parle de ses dents qui tombent. Ce que j’aime beaucoup chez Lee, c’est qu’il exprime toujours sa liberté. Nous parlons comme ça mais il joue aussi comme ça.

LK : mes dents tombent !

DT : pour le dire autrement, je pense toujours à Lee comme à un maitre zen. Comme si rien ne t’empêchait de répondre à ce qui se passe en ce moment.

LK : Et bien j’apprécie que tu mettes cela sur le tapis parce que je suis plutôt timide. Je pense que j’ai ce que nous pouvons appeler des tendances « cabotines » face à un public. Je peux me dire que je dois faire quelque chose maintenant face à ce public : que vais-je faire ? Une blague, ou jouer une belle phrase, ou n’importe quoi. Alors, habituellement, des trucs dingues me viennent à l’esprit et, en plus de ça, j’aime entendre les gens rire.

DT : mais tu attends juste qu’un truc dingue te vienne à l’esprit. Tu ne le planifies pas.

LK : Oh, tu sais, je retiens quelques unes de ces blagues (rires).

DT : Je viens juste de lire un roman intitulé « Remainder » (non traduit en français). C’est un nouveau roman par un jeune auteur, Tom Mac Carthy, et le personnage principal est un genre de cinglé qui commence à être obsédé – parce que son cerveau a été endommagé dans un accident – par la recréation des événements de tous les jours. Par exemple, il va laver sa voiture et il devient complètement obsédé par cette expérience qui, pour la plupart des gens, paraîtrait parfaitement ordinaire. En compensation de l’accident, il a reçu beaucoup d’argent, alors il décide de louer des acteurs pour rejouer exactement ce qui s’est passé quand il est allé laver sa voiture et il les a pour le faire et le refaire des milliers de fois avec lui, son idée étant de perfectionner ce petit événement qui n’a rien de remarquable. Le roman est une exploration de l’idée de spontanéité, je pense, et ce que ce personnage cherche, c’est une forme de spontanéité parfaite. En le répétant sans cesse et en affinant les détails, il veut que cela apparaisse complètement spontané mais, à la fin, il réalise que la vraie spontanéité ne peut se produire que quand des choses imprévisibles adviennent. Cela m’a conduit à réfléchir sur l’improvisation, qui est quelque chose dont j’ai beaucoup appris de toi. Ma question est donc : qu’est ce qui est important dans l’improvisation ? Dans quelle mesure, l’improvisation pourrait-elle être meilleure que de tout planifier, planifier tout le temps et faire tout bien ?

LK : Et bien je pense que tu pourrais répondre à cette question avec un peu de réflexion parce que nous avons accompli cela plusieurs fois sur scène. C’est un des miracles que de jouer ce genre de musique, c’est que, tout à coup, vous êtes dans un autre cadre temporel et dans un autre genre d’émotion et tout l’ensemble paraît magique. C’est le but de ce genre de jeu. L’autre genre de jeu est tout à fait valable bien sûr : être préparé, bien préparé, et glisser à travers ce que tu connais. C’est certainement un accomplissement majeur mais comparé à la chance de monter sur la scène et de ne pas savoir la première note que tu vas jouer... Je joue, considérant que je joue depuis 65 ans, mec, depuis presque 75 ans maintenant – je joue depuis longtemps- je suis familiarisé avec le piano et ses possibilités, mais l’idée pour moi est de de jouer depuis la première note ce qui se présente à moi à l’instant. La seule façon dont vous pouvez apprendre comment le faire est de le faire beaucoup, et j’ai eu la chance de le faire beaucoup, et j’apprécie quand d’autres gens me rejoignent pour en faire une conversation – une conversation spontanée – ce qui est très intéressant à faire en face des gens.

DT : si tu es sur scène et que tu ne sais pas ce que tu vas jouer, l’expérience est réellement fondamentalement différente de celle de savoir ce que tu vas jouer et, par exemple, je fais des choses lorsque je joue de la musique classique où je sais ce que je vais jouer et des choses lorsque j’improvise où je ne le sais pas. C’est donc une réelle grosse différence en termes de processus mental mais je me demande : est-ce que cette différence se communique au public ?

LK : Je le pense. Pour les gens qui observent, écoutent, ils savent que ce n’est pas une situation préparée de toute manière.

DT : Y a t-il quelque chose qu’ils peuvent ressentir ?

LK : le mouvement du moment, la projection du son et le choix des notes, cela ne sonne pas aussi fluide ou préparé. Parfois, c’est tout à fait maladroit mais avec le bon feeling, vous pouvez faire n’importe quoi. Je ne veux pas dire n’importe quoi (NDT : en anglais « you can get away with murder. I don’t mean murder ».)

DT : Je pense toujours aux plus grands musiciens classiques qui peuvent parfois – ou les grands acteurs shakeasperiens par exemple – vous mettre dans un état où vous les écoutez et vous croyez réellement qu’ils inventent ce qu’ils disent ou jouent dans l’instant, bien que vous sachiez que c’est préparé.

LK : Ouais mais Laurence Olivier avait une peur terrible de rester dans les coulisses comme il l’aurait dit. Il était tellement bien préparé et il avait toujours peur que queque chose de spontané se produise. Il ne pouvait peut-être pas le gérer ou quelque chose comme ça.

DT : te rappelles tu un moment précis où tu as la conviction claire qu’être spontané était une façon légitime de jouer ?

LK : et bien, ce fut le résultat d’avoir joué de nombreuses fois. J’ai ensuite appris que c’était honnête, un effort honnête et cela m’a donné une grande confiance pour passer le reste de ma vie à développer cette technique.

DT : était-ce en 1947 ? Est-ce quelque chose que tu as compris immédiatement quand tu as commencé à jouer ou est-ce que cela a pris du temps ?

LK : Non j’étais très nerveux au début et j’errais (?) juste d’un point à un autre sans savoir ce que je faisais, je pense, et puis, petit à petit, je suis devenu plus familier avec ce que je faisais et comment le jouer pour des auditeurs sans le jouer spécialement pour eux. Juste penser ce que j’avais à faire et espérer qu’ils pourraient en faire l’expérience d’une certaine manière plutôt que, tu sais, se préparer à frapper un beau coup (NDT : hit and run, expression du base ball) face aux gens et tout ce genre de trucs, ce que je pense la plupart des musiciens de Jazz que j’ai entendu toutes ces années font : se préparer afin d’avoir un effet clair sur le public.

DT : Si tu entends un musicien qui vient te voir avec quelque chose de préparé mais que tu l’entends deux nuits de suite sur scène et qu’il a joué un truc complètement différent d’une nuit à l’autre, mais vient toujours préparé, comment cela t’affectera t-il ?

LK : cela m’affectera positivement, je pense. Etrangement, Charlie Parker, que j’avais entendu sur un vinyl avant de venir à New York, sonnait si conscient de ce qu’il allait faire que quand je suis allé l’écouter jouer aux Three Deuces, je me suis dit « Whouah, ça sonne comme sur le disque !». Alors je me suis aperçu qu’il était préparé, bien préparé et je l’ai écouté de cette manière et ai apprécié à quel point il le faisait bien – quand il le faisait bien – de la même manière que vous pouvez apprécier un musicien classique. Ils disent de (Vladimir)Horowitz qu’il manquait des notes et que (Arthur) Rubinstein manquait des notes et des choses comme ça mais nous restons avec la grande émotion qu’ils donnaient à la musique.

DT : Charlie Parker est évidemment quelqu’un que tu admires mais nous avons aussi beaucoup parlé de Lester Young, quelqu’un que toi et l’école de Tristano admirez beaucoup. D’un côté, je t’ai entendu parler de lui comme un de tes plus grandes influences et de l’autre reconnaître aussi que, dans certains de ses solos classiques de ses premiers enregistrements tu as reconnu que c’était probablement plutôt préparé.

LK : Oui, je le pense. Jouer chaque nuit avec un big band où tu as la chance de jouer un solo de 32 mesures ou moins tu finis, tu sais, par quelque chose de semblable à chaque fois. Tu anticipes l’arrière plan qui arrive et des choses comme ça.

DT : tu commences à développer un feeling pour ce qui marche et ce qui ne marche pas.

LK : Tu n’as pas le temps pour simplement rester là et te relâcher, tu continues juste de souffler. Et il était, je pense, en condition suffisante, psychologiquement et d’une autre manière.


DT : physiquement ?

LK : fumer, être défoncé et alors il était juste au point (?).

DT : et que fais tu de quelqu’un comme Stan Getz qui, d’après ce que j’ai entendu même de gars qui jouaient avec lui, improvisait réellement la première fois qu’il jouait un morceau. Quelqu’un lui apprenait le morceau. Ils étaient là au contrôle du son et il apprenait le morceau de quelqu’un à l’oreille – il était vraiment, vraiment rapide – et il jouait son premier solo – brillamment – et puis, la nuit suivante, il jouait un autre solo qui était en étroite relation avec celui joué l’année précédente, mais assez différent. Et la 3e nuit était un mélange de ces deux premiers solos, et la 4e nuit cela commençait à cristalliser, et puis la 5e nuit il commençait à développer ce solo parfaitement structuré qui deviendrait son solo fixé sur ce morceau, et, après un moment, il devait virer son groupe parce qu’il connaissait trop bien ses solos ! Que penses tu de cela : quelqu’un qui a la capacité d’improviser mais qui choisit de ne pas le faire ?

LK : Et bien, c’est la façon facile de s’en sortir

DT : Ah, ah !

LK : Je crois qu’il avait le son parfait ou le souvenir parfait ou quelque chose comme ça. Je crois qu’il pouvait répéter les choses la première fois qu’il les écoutait mais ensuite il était dépendant de cela.

DT : voilà ce qui me fascine tant. Confronté à toutes ces influences de tas de gens que tu respectais vraiment, qui prenaient ce qui semble être une approche différente, tu as pourtant développé la conviction totale du pouvoir de commencer réellement neuf chaque nuit.

LK : merci de le verbaliser. C’est ce que je comptais faire mais je suis très heureux que cela se soit produit aussi souvent dans ma carrière, ainsi c’est réel pour moi et non pas juste un accident. Je ne me défonce plus alors cela ne dépend de cela ou de quelque chose de ce genre.

DT : Je parle à des jeunes gens parfois, pas si jeunes, des gens de mon âge.

LK : plus si jeunes désormais (rires)

DT : et parfois il y a presque une réaction brutale contre ce genre d’idée . Je pense à un truc qui s’est produit.

LK : improviser à la maison ? Parles tu de cela ? Aller sur scène et jouer ce que tu sais ?

DT : je pense que certaines personnes pensent que l’idée de placer la spontanéité très haut pourrait être une excuse pour la paresse.

LK : Absolument, je me suis battu pour ça (rires). C’est une bonne opportunité de faire une petite sieste ou des choses de ce genre...Non, je veux dire, c’est une discipline spécifique qui requiert une attention spécifique et peut être développée, je pense .


DT : c’est le cœur de la chose, non ? Si tu décides de prendre cette route, tu dois être vraiment, vraiment bon, sinon ça pue.

Lk : Oui, absolument. Regarde si personne n’est entré qui n’a entendu le dernier mot (?).

Dt : par exemple, j’étais avec un ami, il y a quelques mois, et il m’a joué deux prises d’un morceau d’Ahmad Jamal, un morceau du début et il s’agit juste de deux prises du même morceau lors du même enregistrement et Ahmad joue à peu près le même solo sur les deux prises. Et la réaction de mon ami était : n’est-ce pas incroyable ? Il a pris tant de soin qu’il a développé son solo et qu’il n’improvisait pas. Pour lui, c’était une chose très positive. Il a aussi amené Thelonious Monk qui s’asseyait à la maison pour pratiquer une de ses compositions encore et encore jusqu’à ce qu’il trouve ce qu’il considérait comme le bon truc à jouer pour lui.

LK : et il le jouait encore et encore.

Dt : et c’est ce qu’il jouait en public, peut-être en réarrangeant l’ordre des pièces du puzzle ou autre chose mais, basiquement, pour mon ami qui est un musicien que je respecte réellement, c’était quelque chose comme : « Regarde à quel point ces gens étaient attentifs ". Ceci est le cœur du sujet pour moi : que tu ais décidé de prendre l’approche que tu as choisi. Parce que le truc, c’est que quand toi, Lee, tu viens sans être préparé, c’est presque toujours grand. Je ne sais pas comment tu fais.

LK : Je ne suis pas sans préparation ! Je veux dire, je suis préparé depuis 70 ans, mais pas de manière aussi spécifique, je présume.

DT : Alors, comment pratiques tu cela ?

LK : j’improvise tout simplement. Je continue juste à pratiquer l’improvisation, essayant de rester dans cet état d’esprit et de me rappeler les choses qui m’arrivent et peut-être de les noter, juste pour m’y référer. Puis je passe à la chose suivante.

DT : Peut-être s’agit-il de préparer ton goût et non pas l’information spécifique du moment.

LK : Définitivement, c’est d’abord le goût. L’information est le résultat de ce goût, je suppose.

DT : Alors si ton but est d’aller sur scène et d’être authentique à ce moment, quelle est la force de l’influence des musiciens avec qui tu travailles ?

LK : Très forte. Cela dépend entièrement de leur réponse ou bien je joue tout seul. C’est plus facile avec seulement une autre personne. Dès que tu ajoutes une 3e puis une 4e voix, bien qu’il s’agisse de la contrebasse et de la batterie habituellement, tu es responsable d’écouter tout cela et de l’utiliser d’une certaine manière, et de t’y relier d’une certaine manière et c’est, pfou, c’est difficile.

DT : et pourtant, dans ta carrière, tu as joué dans le monde entier.

LK : pas en Chine !

DT : et joué avec beaucoup de groupes réunis pour l’occasion.

LK : Oui, je l’ai fait.

DT : Alors que fais tu quand tu montes sur scène et que tu joues avec des gens avec lesquels tu n’as jamais joué auparavant et que tu t’aperçois, au bout de trois mesures dans le premier morceau, qu’ils ne sont pas sur la la même longueur d’ondes que toi, en ce qui concerne l’écoute du moment et le fait d'essayer de créer une musique neuve.

LK : Et bien, si je continue de jouer durant quelques mesures et que je ne suis évidemment pas sur la bonne longueur d’ondes pour me lier à eux, alors la première chose que je fais est de cesser de jouer et de les écouter.

DT : Donc tu t’arrêtes de jouer tout simplement.

LK : Pour être influencé par eux. Quoi qu’ils jouent peut m’influencer d’une certaine manière, à un certain degré et c’est ce que je recherche.

DT : Donc, avec qui que ce soit que tu joues, même si ce qu’ils jouent n’est pas inspirant, tu dois dire oui à cela.

LK : Oui et si cela ne marche pas, je vais le savoir assez vite et ne pas le refaire, tu sais.

DT : Cette recherche de spontanéité est-elle la raison pour laquelle tu as changé de groupe si souvent ?

LK : Non, c’est le résultat d’avoir été sollicité pour des concerts par des tas de gens différents. Je n’ai jamais été un chasseur de gigs alors je ne travaillerai pas si les gens ne m’invitaient pas et quand j’ai réalisé que tous les gars savaient jouer « All the things You are », je savais que j’étais dans le bon business, puisque je connais seulement 7 morceaux mais je connais les miens dans toutes les clefs et des trucs comme ça.


DT : Parlons du changement de clefs. Je me rappelle quand nous avons commencé à jouer ensemble, nous avons fait une tournée au Japon sans bassiste, juste avec Richie Barshay à la batterie et moi au piano et, sur cette tournée, tu changeais de clef et de tempo tout le temps . Est-ce quelque chose que tu fais pour garder les choses fraîches ? Est-ce que quelque chose que tu fais quand tu sens que quelque chose manque ?

LK: Si je sens que j’ai envie de le faire et je ne me soucie pas de savoir si cela va agacer quelqu’un, vraiment, je le ferai. Je ne me plains pas, j’essaie juste d’étendre le morceau (?)

DT : Donc, tu le fais seulement si tu sens que la situation s’y prête.

LK : Ouais et dans cette situation particulière, il n’y a pas de problème avec les notes de batterie et je sais que je peux me fier à toi. C’est donc un territoire plutôt sûr pour moi.

DT : Et y a t-il une situation où tu jeterais des bâtons dans les roues ?

LK : Oh, pas volontairement. Juste fermer d’une certaine manière et ne pas me sentir obligé de continuer quand je n’écoute pas.

2. Apprendre

DT : en Occident, il y a toute cette tradition d’apprendre en classe et l’information est présentée de manière intellectuelle. C’est sur le papier et tu es supposé en faire quelque chose de tien, puis de le mettre de manière à ce que cela ne sonne pas comme quelque chose que tu as appris de manière académique. Mais, dans beaucoup d’autres cultures, la musique est apprise dans un autre modèle d’apprentissage.

Par exemple, j’étais à Cuba, en avril 2012, étudiant avec le grand percussionniste Changuito. La façon dont il enseigne consiste simplement à vous montrer quelque chose et à rester avec vous jusqu’à ce que vous puissiez le faire. Puis il quitte la pièce et vous laisse travailler dessus jusqu’à ce que vous y arriviez et que vous sentiez que vous l’avez, puis il vous montre le truc suivant. C’est la manière dont la musique est enseignée dans d’autres parties du monde. Il n’y a jamais nécessairement une verbalisation de tout ; c’est vraiment une question de pratique.

C’est ce que je ressens comme gros manque dans la façon dont la musique est enseignée en Occident et c’est pourquoi je me sens si heureux de jouer avec quelqu’un comme toi, parce que c’est l’un des endroits où je reçois l’expérience directe de l’histoire du Jazz, au delà de ce qui peut être mis en mots.

LK : Je pense qu’être capable de l’exprimer en mots est jusqu’à un certain point une chose nouvelle qui s’ajoute au processus d’apprentissage -sur ce sujet spécialement – et je pense que c’est le bienvenu si c’est fait dans le bon état d’esprit. Si les gens mesurent spécifiquement ce qui est, tu sais, pourquoi tu utilises un métronome pour faire une certaine réalisation de temps et parler de l’usage des gammes, pourquoi tu utilises cette gamme avec cet accord ou toute sorte d’analyse. Cela peut aider jusqu’à un certain point.

DT : Vois tu un danger à cela ?

LK : Non.

DT : Tu dis que cela doit être fait

LK : Non, je dis que c’est une addition bienvenue, je pense

DT : Mais tu dis que cela doit être fait dans le bon état d’esprit.

LK : Oui, cela doit être fait après l'avoir fait, après que tu l’ais réalisé d’une certaine manière, juste en essayant. Puis tu pourras graduellement vouloir le mettre en mots pour quelqu’un d’autre, peut-être pour d’autres musiciens ou quelque chose comme cela.

DT : En d’autres termes, l’information doit vraiment t’arriver à travers la musique.

LK : Oui, je le pense, en tout premier.

DT: puis être verbalisée

LK : Ouais

DT : Je pense que la différence dans l’ordre est quelque chose sur lequel nous nous trompons souvent.

LK : Ouais

DT : Par exemple, quand tu parles de transcription, tu dis : écoute le solo d’abord, puis apprends à le chanter, puis joue le sur ton instrument et, finalement, si tu le veux, écris le afin de ne pas l’oublier, mais c’est absolument le dernier pas. Les deux premiers pas sont réellement oraux et ils te forcent à organiser l’information à ta propre manière, alors que je pense que beaucoup de gens qui transcrivent actuellement le font à l’envers.

LK : Ouais, je le pense.

DT : Quelle est la différence?

LK : Tu sais, d’une certaine manière, avant que tu analyses il est parfois nécessaire d’être capable de l’écouter intérieurement, d’être capable de l’exprimer depuis un instrument puis d’être capable de l’écrire. C’est comme une nouvelle expérience quand tu essaies de l’écrire sous forme de notes.

DT : Comment ressens tu la part de connaissance ?

LK : Cela signifie que je peux exprimer par la voix ou en sifflant ou en jouant avant de le lire, le produit fini.

DT : Une personne pourrait écrire les notes sans connaître le morceau. Ils pourraient écrire les notes et ne toujours pas savoir comment jouer les phrases ou quel est le sentiment.

LK : Ouais. Les livres de transcription de Charlie Parker ont eu une effet très limité parce que tout ce que tu obtiens c’est un fouillis de notes qui pourraient être les notes de tout le monde, pour la plupart mais apprendre le solo par toi même le rend, pour une grande part, tien.

DT : C’est amusant parce que tu peux presque penser que tu apprends par toi même si tu écris d’abord mais il y a quelque chose de tout à fait différent dans le fait d’utiliser ta mémoire ou ton intuition ou quoi que ce soit qui se passe quand tu le fais sans papier. Je suis fasciné par le fait que ce soit si différent et pourquoi c’est si différent.

LK : Et bien, c’est juste un processus spécifique de composer un morceau en l’apprenant à l’oreille puis de le recomposer si tu veux ou de le transcrire.

3. Originalité

DT : Quel prix attaches tu à l’originalité et as tu cherché consciemment à être original ?

LK : Pas vraiment, non. On m’a fait prendre conscience tôt qu’il y avait des musiciens originaux et des copistes.

DT : Par qui ?

LK : Par des collègues, des potes musiciens. Je les ai entendu copier Charlie Parker, le plus souvent, ou Lester Young ou quelques musiciens dominants. Ils les utilisaient comme des modèles, comme ces jeunes gens qui s’installent au Metropolitan Museum et copient Van Gogh, pour apprendre de cette manière, pour savoir exactement comment tu le fais. Et comme je ne pouvais pas m’identifier avec l’expérience de Charlie Parker comme être humain, pour ainsi dire, je m’intéressais juste à la musique, aux notes, à la façon dont elles sont jouées en espérant que je n’essayais pas de le copier quand je quittais la pièce et sortais pour aller en public. Habituellement, je m’en sortais en disant aux gens que c’était trop dur pour moi de l’imiter. Et j’ai fini par être un des seuls altistes qui ne jouait pas comme lui, bien que je connaisse ses solos et tout ça et je trouvais difficile de jouer, avec cette sorte d’énergie et cette sorte de brillance et toutes ces choses, alors j’ai utilisé l’énergie que je tirais de cela et de toutes sortes de notes, de constructions de notes, de bonnes phrases et puis j’ai broyé tout ça, mélangé tout ça moi même dans ma façon de jouer. Et tous les gars me descendaient parce que je ne sonnais pas comme Bird et, chaque fois que je le rencontrais, Charlie Parker me disait : « Merci de ne pas essayer de jouer comme moi ».

DT : Je t’ai entendu jouer les solos de Charlie Parker même dans les dernières années.

LK : Tu veux dire des parties de ses phrases ?

DT : Pas sur scène mais je t’ai entendu en coulisses.

LK : Parcourir spécifiquement ses solos.

DT : Parcourir spécifiquement un solo de Charlie Parker. Et évidemment tu peux jouer beaucoup de solos de Lester Young. C’est intéressant pour moi car beaucoup de musiciens pensent « Je ne veux pas sonner comme mon modèle » alors ils répugnent à ce genre d’étude. Il y a peut-être actuellement une volonté de rester détaché de cela, de rester loin de la transcription directe. Mais tu y es totalement arrivé : tu as étudié Charlie Parker, aussi dur que tu le pouvais, tu as étudié Lester Young, aussi dur que tu le pouvais et pourtant tu es sorti sonnant comme toi même, alors il doit y avoir eu une conscience claire de la différence entre des copistes et des créateurs comme tu l’as dit plus tôt.

LK : Je pense que Tristano m’a aidé à rendre cela réel pour moi. D’abord, cela m’a pris longtemps pour étudier Charlie Parker à cause de ma relation avec Tristano. Il semblait que j’étais dans un autre voisinage. Il suggérait, certainement, d’absorber : c’est le Maître, absorbez ce que vous pouvez et faites le vôtre. C’est plutôt de cette manière que je l’ai poursuivi.

DT : J’adore à quel point ces questions sont mystérieuses. Je veux dire, comment irais tu dire à quelqu’un comment, d’un certain côté, étudier autant qu’il peut ses modèles et d’un autre coté, rester vrai à soi même ?

LK : Ouais. Et bien quand je jouais un de ses solos plutôt précisément, je me sentais comme quelqu’un d’autre d’une certaine manière et c’était d’une certaine façon incompréhensible, comment je pouvais changer comme cela. Et puis j’étais défoncé, et alors ça changeait réellement et, c’était bon, mec ! Je veux dire : c’était toujours incompréhensible mais, pfou, c’était un joli terrain à traverser. Mais je ressentais que j’allais vivre longtemps, alors je veux te remercier (il tape sur du bois) beaucoup ; qui que tu sois là haut pour m’avoir laissé ici et et essayer de le faire bien.

DT : Tu sentais que tu allais vivre longtemps quand tu étais jeune ?

LK : Oh je ne sais pas cela exactement mais je n’ai jamais préparé mon départ.

Dt : Tu n’aimais pas le scenario de brûler jeune ?

LK : Non, j’ai vu trop de mes collègues partir jeunes – Charlie Parker à 34 ans et Charlie Christian à 22, je crois, quelque chose comme ça – et quelle grande perte, ces gens si talentueux.

DT : Alors le fait que tu sentais que tu allais rester longtemps était une raison pour laquelle tu sentais bien que tu pouvais prendre ton temps avec la musique. Tu n’avais pas à forcer le résultat ou...

LK : Et bien, je sentais que j’avais besoin d’une motivation supplémentaire ou d’une éthique de travail pour être capable de pratiquer mes 8h par jour comme le faisait probablement Coltrane. Si je travaillais 1h30, me disais : « Oh, c’est bon. J’ai eu une bonne journée ». Mais tu sais, je suis toujours là, mon heure et demie ne m’a pas été complètement inutile.

DT : Donc, pour toi, il y a toujours un sens clair, quand tu joues, du fait de savoir si tu joues comme toi ou non.

LK : Oui, au sens où tu sens si la musique est valable, c’est ce qui - quoi que je décide de faire durant ces moments – est bon pour moi. Me sentir correct, si tu veux, ou plaisant, ou quoi que ce soit. Je me sens comme si je faisais ce que j’aime le plus et j’essaie juste d’arriver à cet endroit le plus possible, seul puis avec toutes sortes de gens.

DT : Alors, te sentir toi même est le sentiment d’être capable de faire ce que tu veux ?

LK : Bien sûr.

DT : Et si tu joues de la musique pré-préparée, tu ne peux pas faire ce que tu veux, parce que tu l’as préparée à un moment différent, quand tu te sentais probablement différent de ce que tu ressens à ce moment.

LK : Oui mais c’est un but philosophique totalement différent à atteindre. Jouer quelque chose de préparé, tu sais, est une réalisation majeure si c’est bien fait et bien conçu.

DT : Alors, quelqu’un peut trouver de l’authenticité là dedans aussi.

LK : Oui, absolument. Je ne me sens jamais supérieur en ce sens. Je sais juste que je suis heureux d’avoir trouvé un endroit pour fonctionner d’une certaine manière.

Dt : Alors ce n’est pas le sentiment que c’est la seule façon valable de faire, mais le sentiment d’avoir trouvé quelque chose qui marche pour toi.

LK : Exactement.

4. Drogues

DT : Je suis curieux de savoir si tu ressens dans ta vie si l’influence du nombre très limité de drogues que tu as pris a été importante ou bien si ton évolution comme artiste aurait été la même sans cela.

LK : Je ne peux pas répondre à cela précisément, bien sûr, mais je sais, qu’à un certain point, j’ai senti que c’était que quelque chose que j’aimais faire, au mieux, et que je voulais vivre ma vie sans ça. Je sentais une dépendance, vouloir fumer un joint avant de faire face au public et tout ce genre de truc. Puis quand j’ai découvert que je n’en avais pas vraiment besoin, ce fut une grande récompense pour moi et c’est resté de cette manière. Je n’ai pas fumé un joint avant un set depuis... Tout le monde le sait (rires).

DT : Parfois, tu rencontres des musiciens, des musiciens très brillants qui vont venir à la répétition et sonner de façon incroyable, jouer tout à fait au point, avec une grande énergie et un grand investissement et parfois – cela m’est arrivé quelque fois – ils seront très bien préparés, incroyablement sérieux et tu es très impressionné. Tu te dis : « Whouah, c’est super, je suis si heureux d’avoir ces gens ici » et puis tu arrives au concert et ils auront pris quelque chose qui les rend réellement différents. Cela peut même devenir négligé et c’est si décevant. Tu as vu cela, non ?

LK : Oui, bien sûr. Ou se figer complètement sobre face au public. Quelque chose peut disparaître complètement dans ce processus pour certaines personnes.

DT : Tu veux dire : si tu ne prends rien ?

LK : Oui, juste la peur de fonctionner ou d’être à ce point transparent face à un groupe de gens qui regardent et écoutent. C’est très intimidant.

DT : Tu disais au début de cet entretien que tu te sentais comme une personne timide et peut-être, d’une certaine manière, le plus grand rôle du joint ou de quoi que ce soit était de combattre cela plutôt que de des raisons créatives ?

LK : Parfois, après un joint, j’étais timide, alors je devais faire attention à cela aussi. Plus conscient de moi même, tu sais, « Que fais je ? » et les trucs comme ça.

DT : Il semble que ce n’était pas entièrement positif alors .

LK : Non et heureusement je n’ai pas dû aller dans les trucs durs. Le joint est le seul truc que j’ai aimé. Je n’aimais pas boire ou n’importe quoi de ce genre.

DT : C’est probablement pour ça que tu es toujours là.

LK : C’est probablement une partie de la raison, peut-être. Je connais des gens de 85 ans qui sont défoncés tous les jours et ils savent qui ils sont, juste ici (rire)

5. Compétition

DT : Dans le livre d’Andy Hamilton – c’est un grand livre si vous ne le connaissez pas les gars « Conversation on the Improviser’s Art », un grand livre sur le Jazz, Sonny Rollins te provoque en duel parce que tu étais un petit peu critique avec lui de manière très respectueuse et il dit alors « Nous devons régler cela dans un duel », d’abord à l’épée, puis au saxophone. Quel rôle la compétition a joué dans ton évolution et penses tu que ce soit important sur scène ?

LK : Je pense que c’est malheureusement important et je ne suis pas un compétiteur fort en ce sens. J’étais très impressionné par les gars nouveaux qui savaient ce qu’ils faisaient, pour ainsi dire. Essayer d’improviser dans ce contexte semble très, tu sais, tu dois commencer quelque part et développer lentement. Mais l’autre manière (il claque des mains) tu sautes juste dedans. Tu frappes un beau coup ( NDT: a home run, terme du base ball) et puis c’est fait ou quoi que ce soit et j’étais très inhibé par ça.

DT : Parce que ton approche prend plus de temps.

LK : Oui et c’est réellement différent à chaque fois. Parfois cela commence avec quelques notes dépouillées. Parfois je peux sauter immédiatement. Tout dépend.

DT : Tu ne peux pas compter dessus.

LK : Mais les gens qui sont préparés peuvent compter dessus. C’est l’idée, être préparé.

DT : Et c’est l’idée qui m’intéresse au sujet de ta vie. Si tu regardes ta carrière en commençant quand tu as 20 ans, tu es vraiment au sommet de la pyramide, recruté pour des grands concerts, recrutés pour des grands enregistrements. Je veux dire : tu es vraiment, vraiment actif. Peut-être as tu eu une période moins active mais c’était dans les années 70 ou 80. Tu étais totalement demandé pendant longtemps sans, comme tu le dis, être capable de monter sur scène et de balayer tout le monde.

6. Jouer dur.

LK : Mais une partie de mon charme, si tu veux, était que je jouais dur fréquemment, ce qui faisait une relation tonale totalement différente avec les autres instruments, que j’appelle « antisociale » d’une certaine manière mais quel que soit le son que j’étais capable de produire sur l’instrument, c’est ce qui m’a permis de décrocher le job avec Miles Davis pour « Birth of the Cool » parce que je collais dans cet ensemble selon Gil Evans et Gerry Mulligan et ces gars, tu vois ce que je veux dire ?

LK : Je vois ce que tu veux dire et il y a quelque chose d’autre que j’aime chez toi, que j’ai observé durant ces années qui est : certaines personnes diront : « Oh, Lee Konitz joue dur » mais, en fait, quand tu veux, tu es capable de jouer plus en accord que n’importe qui que j’ai entendu.

LK : Oh, écoute ça ! N’est-ce pas une jolie chose à dire ?

DT : Non, mais je veux dire, c’est exactement ce que tu viens de dire. Tu joues dur si tu te sens antisocial mais tu joues parfaitement dans le ton si tu te sens social et je pense que l’expressivité de l’intonation est quelque chose qui n’est plus utilisé assez souvent.

LK : Et bien, c’est un fait, je crois. Jackie Mac Lean ne voulait pas entendre parler de ça. Je suis allé dans un club où il jouait avec le trio de Cedar Walton et le pianiste Larry Willis se tenait face à moi au Village Vanguard et Cedar a joué quelques morceaux puis a rappelé Jackie et Jackie était dur ! Je veux dire, il ne jouait pas autour, il était dur. Et après un petit moment, Larry s’est tourné vers moi et il a dit : « Il peut le tirer ou le pousser dehors mais ne le laisse pas là où il est » (rire).

J’ai discuté avec Jackie après et il ne voulait pas en parler. C’était ça, c’était la façon dont il l’entendait et c’était la façon dont je l’entendais. Parfois c’est un peu sur le fil du rasoir mais de soi-disant critiques chroniquant un disque disent : « Je ne supporte pas d’écouter cet homme qui joue dégonflé tout le temps ». Nom de Dieu, que peut-il dire de la musique après ça ? Donc tu ne peux pas dépendre de ces gens.


DT : Rappelle toi, au début de la conversation, je te demandais ce que tu faisais si tu jouais avec un groupe de circonstance et que tu t’aperçois que les musiciens ne sont pas très inspirants alors tu te dis : « Ok, j’arrête de jouer et j’écoute et j’essaie de répondre d’une certaine façon », alors être dur pourrait-il être parfois une réponse ? Une façon de dire : « Hé ! Je ne vous aime pas, les gars ».

LK : Non, ce n’est pas une chose délibérée. C’est la façon dont je l’entends à l’instant et c’est différent à chaque fois, évidemment, sur le moment.

DT : Je me rappelle avoir ressenti que Paul Motian faisait quelque chose d’équivalent à la batterie, qu’il pouvait jouer de la manière la plus belle, imbriquant la musique avec les gens s’il se sentait bien et s’il ne se sentait pas bien, il vous le faisait sentir immédiatement. (NDT: j'ai vu et entendu Paul Motian saboter un concert en trio avec Marilyn Crispell et Gary Peacock à l'Europa Jazz Festival du Mans en 1998 puis jouer parfaitement au même Festival en trio avec Lee Konitz et Steve Swallow en 1999).

LK : Bam !

DT : Bam, Bam ! Je pense que c’était une chose très positive parce que c’était sa façon de réveiller les autres gens et de dire : « Hé, faites attention à la musique ! » mais cela rendait aussi son propre mécontentement très clair. Parfois je sens que l’intonation est cela aussi.

LK : Ca peut l’être.

DT : On vient de me dire que nous sommes supposés la fermer. Je me sens comme si nous venions juste de commencer maintenant. Merci beaucoup, Lee.

Article transféré de Jazzspeaks.org. Merci à Kevin Sun de m'avoir invité à écrire cet article comme blogueur invité et à transcrire cette entrevue. Merci aussi à Jeannette Vucolo de Chamber Music America pour m'avoir invité avec Lee à participer aux séries Talking Music en 2012.

Dan Tepfer

Pour prolonger cette conversation, je vous propose, lectrices impitoyables, lecteurs implacables, de regarder et d'écouter attentivement un documentaire tourné pour la chaîne de télévision Mezzo en 2011. Concert après concert, Lee Konitz et Dan Tepfer en tournée en Europe réinventent un standard du jazz " All the things You are ".

La photographie de Dan Tepfer & Lee Konitz est l'oeuvre de l'Exceptionnel Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette oeuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.

Dan Tepfer & Lee Konitz par Juan Carlos HERNANDEZ

Dan Tepfer & Lee Konitz par Juan Carlos HERNANDEZ

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Stéphane Kerecki Quartet au Sunset

Publié le par Guillaume Lagrée

Stéphane Kerecki Quartet

Paris. Le Sunset.

Mardi 10 novembre 2015. 21h30.

Stéphane Kerecki : contrebasse

Daniel Humair : batterie

Santiago Quintans : guitare électrique

Tony Malaby : saxophones ténor et soprano

Daniel Humair fait scintiller ses cymbales. La batterie lui répond par des bruitages. Ca démarre . Humair chauffe la forge. Tony Malaby souffle dessus. La guitare électrique est spasmodique. Derrière, un repère, la contrebasse. Le sax se tait pour faire place à la guitare. Ca zizague bizarrement. La route est escarpée et les virages serrés.Tony Malaby joue toujours d’attaque. Trop brutal pour être du Jazz, trop audacieux pour être du Rock’n Roll. C’est du Free Jazz Roll dans la descendance du « Dear Prof Leary » de Barney Wilen. Joli duo guitare/sax. Ca se calme un peu mais basse et batterie repartent. Ces hommes ne sont pas tranquilles.

Solo de contrebasse. Les notes éclatent comme des bulles de savon. Daniel Humair ponctue tout en finesse. Il y a un vrai travail de la pâte sonore. Ca fait du bien. Le sax soprano repart sur ce scintillement. Ponctuations sèches d’une guitare funky mais avec Stéphane Kerecki et Daniel Humair derrière, le funk glisse comme un terrain en pente sous la pluie. Tiens, maintenant, c’est devenu planant. Ils sont partis pour jouer le premier set d’une traite.

Il reste des places assises mais un fan reste debout pour tout voir et tout entendre.

Concours de grognements entre sax et guitare. Curieusement, basse et batterie installent une pulsation régulière sur laquelle la guitare vient dérouler des nappes de sons.Ca plane pour nous. Le soprano vient ajouter sa plainte. Enfin, un peu de repos pour l’auditeur ! Solo de contrebasse sur lequel vient se lover la guitare. Humair ponctue à petits coups de baguettes sur les cymbales. Malaby a repris le ténor et le groupe enchaîne sur un air tellement cool qu’il paraît antillais. Il plane comme un, souvenir de Sonny Rollins.

Solo de guitare en style rock tex mex. Ca sent bon la viande grillée surtout avec Kerecki et Humair qui chauffent derrière.

Une ligne de basse qui rappelle Dave Holland chez Miles Davis en 1969, année érotique. Les tambours travaillés au corps et la guitare qui mord. Ca gite dur dans cette cale de navire qu’est le Sunset. Finalement, ça balance calmement de nouveau avec ce feeling antillais.

C’étaient des improvisations puis « Secret d’oreille », composé par Stéphane Kerecki pour son fils en 2008.

Improvisation suivante. Daniel Humair malaxe les tambours aux balais. La musique est épileptique. Ca tremble de partout.

PAUSE

Ces beautés convulsives ne sont pas faites pour moi. Ma chronique s’arrête donc là.

Pour calmer le jeu, cet article est volontairement illustré par un autre quartet de Stéphane Kerecki, celui consacré à la musique des films de la Nouvelle Vague.

La photographie de Daniel Humair est l'oeuvre du Genevois Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette oeuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.

Daniel Humair par Juan Carlos HERNANDEZ

Daniel Humair par Juan Carlos HERNANDEZ

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Patrice Caratini " Jazz et Caraïbes " au Studio de l'Ermitage

Publié le par Guillaume Lagrée

Patrice Caratini

Jazz et Caraïbes

3e concert d’une saison parisienne de Patrice Caratini

5 concerts pour 50 ans de scène

Paris. Studio de l’Ermitage

Dimanche 8 novembre 2015. 20h.

Première partie

Tropîcal Jazz Trio

Patrice Caratini : contrebasse

Alain Jean-Marie : piano

Roger Raspail : percussions

Le trio démarre sans prévenir. Roger Raspail joue de ses mains sur les grands tambours Ka et avec une baguette sur une petite cymbale.Ca balance comme un hard bop caribéen, bref à la façon d’Alain Jean-Marie. Gros son de la contrebasse au centre du trio. La musique ondule comme des vagues.

Roger Raspail travaille les tambours à mains nues. Patrice Caratini n’est ni Noir ni Antillais mais s’insère parfaitement dans cette musique. « Les Blancs ont le droit de jouer le makossa, les Noirs ont le droit de jouer Mozart » (Manu Dibango). C’était " Senor Blues » d’Horace Silver dont le père venait du Cap Vert.

« Dendé » (Roger Raspail). Après une intro tranquille, ça devient purement antillais, balançant sous les alizés. C’est l’intelligence de la main chère à Joseph Proudhon : celles d’Alain Jean-Marie qui pressent le clavier du piano, celles de Patrice Caratini qui pincent les cordes de la contrebasse, celles de Roger Raspail qui massent les peaux des tambours. Premier solo de contrebasse grave, majestueux. Il fait exceptionnellement doux à Paris pour la saison. La météo est en accord avec la musique. Alain Jean-Marie joue un air entêtant sur lequel Roger Raspail fait des passements de mains de magicien.

Un air de salsa. Composé par Dizzy Gillespie je pense. Une salsa à l’antillaise. Il y a de quoi danser mais il est interdit de danser ce soir. C’était « Manteca » de Dizzy Gillespie en effet.

Le padjanbel est un rythme guadeloupéen à trois temps (3/4) comme la valse et le Jazz. Un padjembel moderne composé par Alain Jean-Marie pour sa compagne Morena Fattorini « Morena’s Reverie ». Il nous explique sa musique. Aux Antilles, les esclaves venus d’Afrique étaient venus sans instrument. De plus, les ethnies étaient mélangées afin que les esclaves ne complotent pas contre les colons. Ils ont donc inventé un instrument le Gwo Ka, à partir de tonneaux (de contenance gros quart créolisé en Gwo Ka) et de peaux d’animaux. Alain Jean-Marie lance une boucle rythmique à vous rendre fou.

S’ensuit une ballade qui chaloupe doucement guidée par le piano. Il n’y a qu’à éteindre les lumières et déshabiller les danseuses mais les lumières restent allumées, quoique tamisées et personne ne danse. Cruelle déception ! C’était « Italian Soul » (Alain Jean-Marie).

« Tou ca sé pou doudou » (Al Lirvat). Albert Lirvat (1916-2007) est un créateur majeur de la musique antillaise. Après avoir écouté Dizzzy Gillespie en concert à Paris, salle Pleyel, en 1948, il inventa le wabap, mélangeant Be Bop et biguine. Il fut l’un des parrains d’une jeune musicien débutant Alain Jean-Marie (né en 1945) lorsqu’il arriva à Paris. Je danse sur place à défaut de pouvoir danser sur la piste.

« Fleurette africaine » (Duke Ellington). Morceau composé par le Duke pour son album " Money Jungle » en trio avec Charles Mingus (contrebasse) et Max Roach (batterie). Avant de les laisser jouer, Duke dit à ses musiciens de s’imaginer au fin fond de la forêt équatoriale découvrant une fleur unique au milieu d’une clairière. C’est cette émotion qu’ils devaient jouer. Ils ont si bien réussi que le Tropical Jazz Trio a l’intelligence de ne pas jouer ce morceau comme l’original qui est intouchable. Alain Jean-Marie est vraiment un très grand pianiste. Cela a déjà été dit mais ne sera jamais suffisamment répété. Ils le jouent un peu à l’antillaise et ça le fait.

« Calypso » (Kenny Barron). C’est bien un calypso comme Kenny Barron en jouait chez Dizzy Gillespie il y a 50 ans. Les accents toniques sonnent comme de l’anglais parlé par un Jamaïcai. Les percussions claquent, la contrebasse slappe, le piano scintille. Bref, c’est l’Apocalypso comme dit Alain Chamfort.

PAUSE

Deuxième partie

Latidinad Quintet

Patrice Caratini : contrebasse

Manuel Rocheman : piano

Sebastian Quezada : percussions

Inor Sotolongo : percussions

Rémi Sciuto : saxophone alto

La contrebasse lance le débat. Plainte du sax alto. Au départ, c’est beaucoup plus Jazz que latin, plus à écouter qu’à danser. Duo de percussions. Ca commence à chauffer. Ils sont côte à côte et se regardent en jouant. C’était « Father’s mood » (Caratini).

« El cangrejo » (Caratini). Cela signifie le crabe. Le crabe marche de travers et ce morceau aussi selon Patrice Caratini. Ca balance doucement.

« Fever » dans la version caliente de Ray Barretto. Le sax alto remplace la voix de Peggy Lee, Elvis Presley ou Sarah Vaughan selon votre version préférée de ce standard. Ca groove latin à souhait. Le pianiste distille les notes comme un « nez » les gouttes de parfum.

La contrebasse démarre en douceur ponctuée par le piano et les percussions. Ca balance tranquille. Bercé par la musique, je m’endors sous les palmiers, même pas réveillé par un petit coup de cymbales de temps en temps. Finalement, ça pourrait bien être une Bossa Nova d’Antonio Carlos Jobim.

« Pinta » extrait de la suite « Antillas » composée par Patrice Caratini pour Alain Jean-Marie. Pinta est le nom d’une des caravelles de Christophe Colomb sans lequel rien de tout cela ne serait arrivé. Qui fut le plus grand socialiste de l’Histoire ? Christophe Colomb car il est parti sans savoir où il allait, il est arrivé sans savoir où il était, il est revenu prétendant savoir où il avait été sans rien en savoir et tout cela avec l’argent des autres.

Un medley argentin de musiques de la campagne, le tango étant une musique urbaine né dans les bordels comme le Jazz. « Zamba y Malambo ». La Zamba, qui n’a rien à voir avec la Samba des Brésiliens, est un air de séduction, au tempo lent alors que le Malambo marche au rythme des chevaux. En effet, au démarrage, le tempo est lent, séducteur. Sebastian Quezada s’est mis debout pour jouer d’un tambour porté sur son ventre, avec des baguettes, mais pas comme les grenadiers de l’Empereur Napoléon Ier. Avec le malambo, effectivement, le tambour marche à un rythme de pas de cheval. Le sax sonne la cavalcade. A danser en tapant du pied.

RAPPEL

Les percussionnistes ont échangé leurs places. Inor est au tambourin, Sebastian est assis sur le grand tambour argentin de forme parallélépipédique rectangulaire. Le groupe enchaîne sur un air chantant et dansant.

Le public en demande encore. Une petite dernière pour la route. « Besame mucho » évidemment. Sax alto rêveur à souhait. Rythmique onctueuse comme il faut. Ca ne fait pas oublier Barney Wilen , LE saxophoniste associé à ce morceau mais ça tient la comparaison.

Mon voisin n’avait pas écouté Patrice Caratini depuis 30 ans. Ce concert lui a permis de mesurer tout ce qu’il a manqué durant ces années.

Rendez vous pour le 4e concert de la saison parisienne de la saison parisienne de Patrice Caratini le dimanche 6 décembre 2015 à 20h au Studio de l’Ermitage. Au programme, le Big Band Patrice Caratini Jazz Ensemble jouera l’accompagnement musical du film muet « Body and Soul » (1924, film tourné dans le Sud des Etats Unis par un Noir américain, Oscar Micheaux, avec des acteurs noirs américains dont Paul Robeson . Respect) suivi du Bal.

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Omer Avital Quintet au New Morning

Publié le par Guillaume Lagrée

Omer Avital Quintet

Paris. Le New Morning

Mercredi 4 novembre 2015. 20h30.

Omer Avital: contrebasse

Ofri Nehemya : batterie

Yonathan Avishai : piano

Asaf Yuria : manzello, saxophone tenor

Alexander Levin : saxophone ténor

Le manzello fait forcément penser à Rahsaan Roland Kirk. C’est entraînant mais pas encore chaud. Ils démarrent. C’est du hard bop orientaliste, une curiosité. Omer Avital danse avec sa contrebasse tant il la malaxe.

Une ballade. Ce son oriental vient t-il d’Europe de l’Est ou du Proche Orient ? Subtil mélange des deux. Le sax ténor s’approche le plus possible du son de la clarinette. C’est majestueux. Gros solo de contrebasse pour relancer la machine. Ca tourne. Il faudrait dégager un espace pour danser. La transe arrive au milieu du deuxième morceau. Et hop ! Ils attaquent en bloc pour plus d’effet. Solo de ténor avec un gros son velu. Ils enchaînent entre piano et fort, calmo et agitato. Maintenant, ça devient funky, sans trombone, ni trompette. Les saxophonistes sont excellents. Ils soufflent si puissamment que je cherche toujours le troisième, caché entre les deux.

C’était « Mohamed’s market » dédié au batteur Mohamed Ali Jackson suivi de « New Yemenite ».

Morceau dédié à la ville israélienne où naquit sa mère. Beau solo de contrebasse. Son méditatif qui impose le silence. Il va chercher loin dans nos âmes. Le groupe reprend avec un solo de ténor oriental, comme des flûtes plaintives. Duo de ténors maintenant. Ca décrasse. Ca y est, la danse orientale repart. Ca sonne aussi un peu espagnol (7 siècles de présence arabe en Espagne ont laissé des traces). Moment plus calme, joué par la rythmique avant que les saxs ne reprennent à l’unisson.

Le pianiste repart en hard bop. Le groupe suit, souple, chaud, new yorkais en diable. Ca glisse comme les pas de Fred Astaire sur la piste. Ils ont décidé de rester sages alors qu’ils pourraient nous mettre en transe s’ils le voulaient. Après un solo de ténor agité, un solo de ténor calme soutenu par la basse et la batterie. Montée en puissance tranquille avec le retour du piano. Un beat digne des Jazz Messengers. Le glissando final du quintet est super pro. Ca marche. Une belle brune tape des mains et claque des doigts.

PAUSE

Je discute avec une Vietnamienne en couple avec un Néo Zélandais. Ils terminent 15 jours de vacances en France par ce concert. Manifestement, ils finissent en beauté.

Ca swingue tranquille. Les sax ténors se succèdent.

Le pianiste enchaîne sur un air entraînant., plus oriental. Les tambours dansent sous les baguettes du batteur. Ca balance magnifiquement. Là encore, ça manque de piste de danse. Le jeu se calme pour un solo de contrebasse au milieu de l’orchestre. Omer Avital a un gros son et le sens de la couleur. La comparaison avec Charles Mingus s’impose mais le message d'Omer Avital est plus joyeux. Après tout, il n'est pas persécuté pour son apparence comme l'était Mingus.

Petit solo de piano dans l’aigu pour commencer. S’ensuit un air entraînant, dansant au piano. C’est délicieux. Long préliminaire seul avant la jouissance en groupe. Les saxs contre attaquent droit devant bien portés par la rythmique. Retour au manzello. Ca change le son du duo de souffleurs, forcément. Enfin, le public se lâche un peu et tape dans ses mains. Bon dialogue percutant entre pianiste et batteur. Ca réveille. Les gens devraient danser sur cette musique mais ils n’osent pas sans autorisation expresse comme pour Le Bal de Patrice Caratini.

C’était « Africa ». Le groupe enregistrera un nouvel album dans une semaine.

*Zohar’s smile » dédié à son fils. Une ballade jouée par la rythmique, batteur aux balais. Ce garçon ne doit pas manquer d’amour a priori. Beau solo de contrebasse au milieu de la rythmique. Cela sonne comme les pas d’un enfant confiant vers son père. Ca monte en puissance car un enfant n’est pas toujours calme. Ca marche. Le jeune couple à mon côté s’enlace.

Redémarrage hard bop de la rythmique. Les sax ténors enchaînent. Ces deux ténors ne font pas la retape comme Placido Domingo et Luciano Pavarotti. Le jeune couple NZ-Vitenam s’en va. La demoiselle me dit au revoir en souriant. Sur scène, ça tourne toujours. Un chase de ténor pas comme Dexter Gordon/Wardell Gray ou Johnny Griffin/Eddie Lockjaw Davis mais pas mal quand même. La rythmique enchaîne sur un air dansant, oriental. Ca balance de plus en plus mais le public reste sage.

Solo vrombissant de contrebasse. Elle est slappée comme il faut. Des spectateurs audacieux claquent des doigts en mesure. Funkissimo. Puis le quintet attaque à fons les manettes. Jeu salsa du pianiste alors que les saxs se déchaînent. Retour au calme avec la rythmique mais toujours sur un air dansant. Beau final groupé salsa jazz oriental.

Il y avait école le lendemain. Je suis parti avant la pause. Il faut qu’Omer Avital dise aux spectateurs qu’ils ont le droit de danser. Ils n’osent pas et c’est bien dommage tant cette musique est entraînante.

La photographie d'Omer Avital est l'oeuvre de l'Essentiel Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette oeuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.

Omer Avital par Juan Carlos HERNANDEZ

Omer Avital par Juan Carlos HERNANDEZ

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Stanley Clarke/Biréli Lagrène/ Jean-Luc Ponty " D-Stringz "

Publié le par Guillaume Lagrée

" D-Stringz "

Impulse. Universal.

Sortie le vendredi 13 novembre 2015

Jean-Luc Ponty: violon

Biréli Lagrène: guitare

Stanley Clarke: contrebasse

Steve Sheehan: percussions (n°8)

Lectrices funky, lecteurs groovy, réjouissez vous. Jean Luc Ponty, Stanley Clarke, Biréli Lagrène, 3 Géants du Jazz actuel se sont enfin réunis, sans tambour ni trompette, sans ampli ni électronique. Juste 3 instruments acoustiques, un studio, des compositions, des standards et la joie de jouer ensemble. Ces musiciens ont tellement exploré les possibilités de la fée Electricité qu'ils font bien de nous rappeler qu'ils savent s'en passer pour jouer débranché (" unplugged " in english).

Le point commun entre ces trois Citoyens du monde, outre le fait qu'ils jouent des instruments à cordes, c'est le Funk. Pas de batterie, pas de cuivres, pas d'amplification électrique et pourtant quel groove!

Qu'ils jouent des compositions comme " Stretch " de Biréli Lagrène (n°1) qui s'étire comme un gros chat ou " To and Fro " de Jean-Luc Ponty (n°2), point de départ et d'arrivée ou des standards comme " Blue Train " de John Coltrane (n°7) ou " Mercy, Mercy, Mercy " de Joe Zawinul (n°9), ils groovent monstrueusement.

Je ne dis pas qu'ils ne sont pas à l'aise sur les ballades qu'elles soient des standards ( " Too young to go steady ", n°3 et " Nuages " de Django Reinhardt, n°5 ) ou des compositions " Chilhood memories " de Jean-Luc Ponty (n°6). Ces musiciens sont des fuori classe comme disent les Italiens.

Cependant, quand il s'agit de vous donner envie de claquer des doigts, battre des pieds et onduler des hanches tout en admirant des arrangements savants et une attaque d'une précision diabolique, ce trio là est hors concours.

Merci, Merci, Merci à Stanley Clarke, Biréli Lagrène et Jean-Luc Ponty.

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BD Jazz " Sarah Vaughan "

Publié le par Guillaume Lagrée

Sarah Vaughan

BD Music. 2015

BD de Séra & Aranthell

Texte et sélection des chansons par Alain Gerber

CD 1: Sarah Vaughan (1944-1957)

CD 2: Sarah Vaughan (1957-1958)

Lectrices Be, lecteurs Bop, l'existence de la Divine Sarah Vaughan (1924-1990) n'a pu vous échapper. Fille de pasteur, sa voix et sa plastique damnèrent plus d'un pécheur.

Tous les musiciens vous le diront. En général, les chanteuses ne connaissent pas la musique. Elles chantent et le groupe suit. Pas Sarah Vaughan, c'était une vraie musicienne, une membre de l'orchestre parmi d'autres. Il existe une Sainte Trinité des chanteuses de Jazz: Billie Holiday est la plus poignante et la plus Blues, Ella Fitzgerald la plus joyeuse et la plus populaire et Sarah Vaughan la plus musicienne et la plus sexy.

Elle est présentée ici avec une BD qui raconte sa vie. C'est bien dessiné mais je ne suis pas enthousiasmé comme par l'oeuvre de Wozniak pour " A gospel story ".

Par ailleurs, la base de mon éducation en Jazz, après les leçons de mon père bien sûr, ce fut l'émission " Black and Blue " de Lucien Malson et Alain Gerber sur France Culture dans les années 1990. C'était le Gai Savoir. Je retrouve avec plaisir son style si personnel de biographie dans son texte " Divine ou Diva? " où il campe Sarah Vaughan en femme et en artiste.

Alain Gerber a aussi choisi 37 chansons de Sarah Vaughan. Sur 37, 36 soit 97,3% comptent Roy Haynes à la batterie. C'est dire si Sarah Vaughan était musicienne. Il lui fallait les meilleurs musiciens derrière elle, Roy Haynes donc ou Clifford Brown (trompette). Leur version de " Lullaby of Birdland " enterre toutes les autres. Il paraît qu'il existe d'autres versions chantées de " Lullaby of Birdland " que celle de Sarah Vaughan avec Clifford Brown et Roy Haynes mais la nouvelle reste à confirmer.

Sarah Vaughan a chanté jusqu'à la fin de sa vie, Quincy Jones l'ayant fait chanter avec des rappers et Ella Fitzgerald sur son album " Back on the block " en 1989, toutefois les chansons choisies ici s'arrêtent en 1958.

Que cela ne vous empêche pas, lectrices Be, lectrices Bop, d'écouter " Sassy swings the Tivoli " enregistré au Tivoli Garden à Copenhague en 1963. Dans le trio qui l'accompagnait, Roy Haynes n'était pas présent. Un festival de musicalité et de sensualité mais ceci est une autre histoire.

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A Gospel Story par Jean Buzelin & Wozniak

Publié le par Guillaume Lagrée

A Gospel Story (1929-1962)

BD Music. 2015.

Textes et sélection des morceaux par Jean Buzelin

Dessins de Wozniak

CD1: Negro spirituals/The great tradition

CD2: The Golden Age of Gospel/The Hits

Lectrices sans foi, lecteurs sans loi, prenez le droit chemin dans la joie grâce à la bande dessinée " A Gospel Story ".

Apprenant dans l'Ancien Testament, l'histoire du peuple juif déporté à Babylone ou en Egypte, rendu esclave et priant le Seigneur de le laisser revenir à la terre natale, les Noirs d'Afrique déportés en Amérique ne pouvaient que s'y identifier. Dignité et liberté s'expriment dans cette musique religieuse qui est la source de toutes les musiques noires d'Amérique depuis un siècle: blues, jazz, rhythm'n blues, rock'n roll, soul music, funk, rap. Stevie Wonder n'a t-il pas affirmé que Mahalia Jackson était sa plus grande influence vocale? James Brown n'a t-il pas incarné un pasteur dans le film " The Blues Brothers "? Ray Charles n'a t-il pas inventé la Soul Music en chantant des paroles profanes sur des airs sacrés ( " Hallelujah I love her so ")?

Wozniak, inspiré par cette histoire, a réalisé pour l'illustrer une bande dessinée comme lui seul en a le secret. Une oeuvre d'art à la fois codée et lisible, bref magique.

Jean Buzelin explique le sujet en quelques pages qui retracent l'histoire du genre, de ses héros et de ses héroïnes. Il a sélectionné avec grand soin 48 chansons enregistrées entre 1929 et 1962 qui manifestent la grandeur de la foi du peuple noir américain.

Vous l'avez compris, lectrices sans foi, lecteurs sans loi, la bande dessinée " A Gospel Story " avec ses deux CD est un ouvrage d'initiation indispensable. Il ne prétend pas faire le tour du sujet mais il vous en livre l'essentiel: le message.

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La preuve Patrois au Sunset

Publié le par Guillaume Lagrée

David Patrois Trio

Paris. Le Sunset

Samedi 31 octobre 2015. 21h30

David Patrois : vibraphone, marimbas

Luc Isenmann : batterie

Jean-Charles Richard : saxophones baryton et soprano

Le trio a douze ans d’existence. Il joue ici la musique de son dernier album « Flux tendu ».

Sax soprano pour « Hélophonie ». Son lumineux, solaire du vibraphone. Jean-Charles Richard vient du saxophone classique. Il en a gardé un son d’une pureté cristalline et une mise en place au micron près. Le trio écarte les nuages et fait paraître le soleil. Le batteur est passé aux balais. Le sax s’amuse à jouer assis à l’écart de la scène. Je l’entends de loin mais bien, en contrepoint. Il revient en gardant un son doux. Le trio monte en puissance. Travail du son entre les baguettes du vibraphoniste et celles du batteur. Superbe final.

« Petit bout » écrit par David Patrois pour sa fille qui a aujourd’hui 19 ans. Le temps passe, la musique reste. Saxophone baryton. Morceau agité comme une petite fille qui court partout, attrape tout. Le batteur sonne la charge aux baguettes. Les baguettes courent sur le vibraphone. Ce petit bout ne devait pas être facile tous les jours. La musique devient plus douce, plus affectueuse, comme un père qui prend sa fille dans ses bras. Le tempo s’accélère, cela revient au jeu, au mouvement.

« Seven for reggae », à comparer avec la version en quintette. C’est un rythme en 7/4 comme l’indique le titre (7/4 reggae). Le baryton barrit joyeusement. Ca balance bien. Passage au soprano qui perce le ciel. Retout à ce petit air entraînant qui fait mes grandes délices depuis que je l’entends.

« Le cri de Rahan », héros préhistorique de la BD française. Le cri de victoire que le héros pousse à la fin de chacune de ses aventures. En bon héros, il gagne toujours. C’est ce cri qu’ils jouent. Bel agitato final. Fortissimo con brio.

Sax baryton. Nous devons reconnaître le morceau. C’est une ballade. Joli solo de vibraphone tout en douceur. Je n’ai pas reconnu « Something sweet, something tender » (Eric Dolphy).

« Flux tendu ». Solo de batterie bien sec pour introduire. Retour au baryton et à un peu plus de douceur. La musique jaillit à flux tendu.

PAUSE

Démarrage aux marimbas. Ca donne un son plus africain, plus percussif. La musique chante joyeusement. Jean-Charles Richard s’assied pour siffler dans son anche puis revient au soprano. Joli dialogue percutant entre marimbas et batterie. Ca s’agite avec le chant acide du soprano. C’était « Freedom Jazz Dance ». A comparer avec la version jouée sur l’album « Miles Smiles » (1966) par le Miles Davis Quintet.

« Something You miss ». Solo de vibraphone que le batteur ponctue légèrement aux baguettes. Sax baryton de velours. Ca balance joyeusement.

« Capitaine Achab ». Sax soprano. Puis sax baryton qui apporte quelques ponctuations. La tempête se lève au fur et à mesure du morceau. Ca finit au niveau 12 sur l’échelle de Beaufort au moins.

Le sax baryton démarre. Bel effet de souffle. C’est une très belle version d’un standard « In walked Bud « (TS Monk). Le Be Bop prend un coup de fraîcheur même si la musique de Monk est intemporelle.

Soprano. Il me semble que le vibraphone joue toujours du Monk mais pas le sax. Batteur aux maillets. Il y a là un mélange très subtil de thèmes. Le son du soprano s’étaire jusqu’à la fin. C’était « Il sogno di Diego » pour le fils de David Patrois qui a 10 ans.

« Wrong and strong ». Soprano. Morceau agité, puissant. Le titre est clair : « Erroné et fort ». Ce qui ne les empêche pas de produire un duo batterie/vibraphone, tout en finesse, virevoltant. Le soprano vient ajouter du piquant à la sauce. Solo de batterie, travaillé au corps sur les tambours. Retour groupé du trio pour le final.

RAPPEL

Marimbas rejoints par la batterie sous les balais. Le saxophoniste revient sur scène, jouer du soprano. L’air est très bien masqué mais , en y prêtant attention, c’est bien « La Javanaise » de Serge Gainsbourg qu’ils jouent.

Mon ami, Monsieur C, était venu de Lille pour ce concert. Moi de Paris. Ni lui ni moi n’avons regretté le déplacement. La preuve, nous sommes restés jusqu’au bout du concert car tel était notre bon plaisir.

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