Enrico Pieranunzi Dottore Pianissimo
Enrico Pieranunzi Trio. Paris. Le Sunside. Paris. Lundi 3 août 2009.21h.
Enrico Pieranunzi : piano
Darryl Hall : contrebasse
Enzo Zirilli : batterie
La photographie de Darryl Hall est l'oeuvre de l'Epoustouflant Juan Carlos Hernandez.
Intro en piano solo. La grâce dès les premières notes. Une légère montée en puissance. Un standard qu’aimait jouer Bill Evans. On green dolphin street. Le trio est parti . C’est fin, ça interagit, c’est du Pieranunzi. Les mains d’Enrico volent comme des papillons sur le piano. Les baguettes sont de retour. Fouette cocher ! Contrebasse et batterie ancrent la musique. Enrico surfe dessus.
Intro de piano tout en souplesse sur laquelle ses complices rebondissent. C’est une sorte de valse.
L’héritage de Bill Evans est bien assumé mais ce n’est pas de la copie.
Ca swingue avec lyrisme, all’italiana. Puis le tempo se repose sans que baisse l’intensité des émotions. Enzo Zirelli trouve des sons originaux, mats aux tambours. Solo final de piano. Le temps suspend son vol. Léger frottis des cymbales pour l’accompagner. La contrebasse les rejoint, enchaîne sur une ballade, genre dans lequel Enrico est unique, irrésistible. Le jeu est fluide mais pas trop mignon. Cette musique donne chair à nos rêves.
Un morceau plus vif. Démarrage en trio avec les balais. Morceau sec, nerveux mais toujours lyrique. Breaks de batterie contrôlés à distance par le piano. Enrico c’est le Patron avec une autorité bienveillante. Le batteur décoiffe. D’ailleurs il est chauve. Même jeu de contrôle et de lâcher prise entre le piano et le solo de contrebasse.
Enrico présente les musiciens du batteur au pianiste. Cet petit homme a de petits bras et de grandes mains. La musique nous enveloppe dans un châle de soie légère et colorée. Le batteur est aux balais. Ballade où le temps glisse comme un poisson dans l’eau. Puis les baguettes volent sur les cymbales comme des moineaux sur les tots. Solo de contrebasse ponctué par les mains sur les tambours et quelques gouttes d’eau de piano. Quand le morceau finit, la magie aussi. Heureusement elle reprend dès le morceau suivant.
Démarrage en trio d’une ballade. Je n’aurai qu’un mot pour la qualifier : « Whaouh ! ».
Un morceau rapide, bebop. Toujours un calme souverain sur le visage d’Enrico Pieranunzi. Ses émotions sont concentrées dans ses mains. Solo de contrebasse serré comme un café à l’italienne. Les baguettes sur les tambours et les balais le relaient à merveille. Le piano relance et le public explose. Héritage du piano classique, Enrico sait enlever ses mains très vite et très haut du piano. Enzo Virilli fait rouler ses tambours et vibrer ses cymbales avec vigueur et imagination. Il transforme un standard en tarentelle !
PAUSE
Ca repart en trio, chaus, souple, mobile. Les balais caressent, la contrebasse gronde doucement, le piano vogue sur les flots. Baguettes. Le trio monte en puissance, synchrone.
Un standard joué par Bill Evans. Ca s’agite, virevolte mais ne tempête point. De la passion et de la précision. C’est du ski de slalom tout en dérapage contrôlés. Transition vers un autre standard joué par Miles Davis. Ils habillent si bien les standards que je ne les reconnais plus. J’ai trouvé. C’était « Footprints » de Wayne Shorter. Quel délice !
Ca repart gracieux, ailé, vif. Une musique pour film d’Antonioni sans l’ennui. Ca sent le sel, le soleil, la Méditerranée. Enrico Pieranunzi a l’air d’un petit homme tranquille alors que sa musique n’est ni petite, ni tranquille.
Un classique du bebop. Anthropology ? Piano, contrebasse, balais.Doux et rapide à la fois. La classe. Ca chauffe, swingue terriblement mais toujours avec élégance et mesure. C’est de la haute couture. Joli solo aux balais riche, varié. Ce n’est pas de l’avant garde comme Tom Rainey mais c’est original. Solo de contrebasse soutenu par les balais. Quand ça balance, ça balance !
« Body and Soul ». Ils glissent comme des libellules sur un étang. La musique est évanescente et présente. Final emmené par un solo du Maestro Enrico très inspiré d'Esoterik Satie. Le trio repart. Hop les baguettes et un coup d’accélérateur. C’est parti à fond les manettes., corps et âme mais loin de « Body and Soul ». Il y a des souvenirs des tambours des Marches dans le jeu en solo d’Enzo. Ils reviennent à « Body and Soul » en version accélérée pour retourner à la ballade de départ. Quelle maîtrise !
« Jitterbug Waltz » (Bill Evans). Bill Evans, le pianiste dont l’ombre tutélaire plane sur Enrico Pieranunzi sans jamais l’empêcher de jouer. Que de fleurs semées le long du chemin de ces Messieurs ! Enchaînement sur un autre standard. Ca s’écoute, agit, réagit entre les trois avec une précision helvétique. C’est une orgie de musique et d’émotions.
Retour à la valse de départ pour finir, en marquant exagérément le tempo, en le décomposant. Ils sourient et ils s’écoutent.
Fin du concert à 0h45. J’ai couru pour attraper le dernier métro. Une si belle musique méritait bien un petit effort.