Abraham Pfeiffer de retour au Duc des Lombards
Paris. Le Duc des Lombards. Vendredi 26 février 2010. 20h.
La photographie de Bobby Few est l'oeuvre du Colossal Juan Carlos HERNANDEZ.
Abraham Pfeiffer : saxophones ténor, alto
Bobby Few : piano
Peter Giron : contrebasse
John Betsch : batterie
Abraham Pfeiffer a vécu à Paris au milieu des années 1990. C'est là qu'il a acheté les saxophones dont il joue toujours. Il vit aujourd'hui à New York, parle toujours français et avait plaisir à revenir 15 ans après à Paris, au Duc des Lombards.
Pour commencer, le saxophoniste serre la main de chacun des membres de la rythmique. Bonne ambiance. Abraham nous explique qu’il a déjà beaucoup joué avec Bobby et John alors que c’est on premier concert avec Peter. Ca commence tranquille au sax ténor. Le mood s’installe. Son à la Stan Getz. C’est chaud, velouté, tranquille et ça swingue. La rythmique est rodée. Bobby Few fait chanter le piano de toute son âme. Même en portant sur scène une écharpe, des lunettes noires et une casquette, Peter Giron assure à la contrebasse. John Betsch, père tranquille à la batterie, sait doser son effort et régler la pression au bon niveau. C’est lyrique, ça chante. Pas étonnant que Bobby Few ait joué avec Albert Ayler. Série de breaks chauds, puissants de batterie. C’était « Beatrice » de Sam Rivers pour son épouse.
Bobby Few prend le temps de poser ses partitions. « Ask me now » (TS Monk). John Betsch est aux balais. Qui ne connaît pas cette somptueuse ballade a la chance de pouvoir la découvrir. Pour qui la connaît, le plaisir se renouvelle à chaque écoute. Le sax passe à un son plus noir, plus épais, plus velu. Ce saxophoniste a un gros bagage technique, de l’expression, de l’invention et pourtant il me manque quelque chose. Peut-être est ce parce que j’ai eu la chance d’entendre, dans ce même club, Johny Griffin jouer Monk. Un Monk léger, aérien, bluesy, sort des doigts de Bobby Few. Pas de doute, cette rythmique tient la route. La contrebasse ronronne sous les doigts de Peter Giron en solo. Les deux autres rythmiciens le secondent à merveille.
« Reincarnation of a love bird » (Charles Mingus). Morceau écrit par Mingus en hommage posthume à Charlie « Bird » Parker. Abraham et Bobby l’ont enregistré en duo. Début plutôt free. Puis le morceau commence. Même mort, même ne jouant plus sa musique, l’énergie de Charles Mingus se sent lorsqu’un de ses morceaux est interprété. Un long silence, le temps qu’un spectateur lâche « Ouah ! » et ça repart en bloc. Un solo de Peter Giron accompagné par John Betsch, ponctué par Bobby Few, c’est une des formes du bonheur en ce bas monde.
Pour jouer sa composition « Club Foot » Abraham Pfeiffer passe au saxophone alto. Attaque par un solo de sax franc et direct. Abraham joue face au piano ouvert pour produire un écho. Bonne idée. Ca résonne bien. Le quartet part ensuite sur un morceau au swing un peu latin. Solo du saxophoniste qui travaille le son avec l’anche, les clefs entre souffle et percussion. Le quartet repart comme un seul homme. Ca chauffe, Marcel ! Solo de piano où les mains parcourent le piano dévoilant puis recouvrant le thème. En termes sportifs, Bobby Few joue sur toute la largeur du terrain. Silence pour le solo de contrebasse. Les cordes vibrent, élastiques. Le son fait onduler nos âmes. Bobby Few s’est levé pour écouter religieusement, les mains croisées derrière son dos. On amène un gâteau d’anniversaire au 1er rang. Peter Giron joue le morceau de circonstance puis le groupe repart. John Betsch, en digne disciple de Max Roach et de Papa Jo Jones, travaille sa cymbale hi hat aux baguettes puis fait chanter les tambours des pieds et des mains. Son oriental du sax. D’ailleurs, John Betsch fait sonner une grande cymbale de bronze avec un maillet.
Retour au sax ténor pour « Green Chimneys » une composition de TS Monk inconnue de mes services. Peter Giron attaque, John Betsch ponctue aux baguettes. Ca swingue terrible. Le piano entre dans la danse, puis le sax. Des cheminées vertes. Déjà écologiste, Thelonious ? Abraham a fait signe à Bobby. « Strawl ». Le pianiste s’arrête. Contrebasse et batterie tiennent le rythme derrière le sax. Le pianiste ponctue ponctuellement. Ca pulse. Le son du sax est bien plus viril, plus chaud, plus puissant qu’au début du concert. Superbe montée en puissance de la rythmique. Je me répète mais ça swingue, nom de Zeus ! Le saxophoniste n’a plus qu’à surfer sur la vague créée par la rythmique. Que du bonheur !