Eric Le Lann en quintette à tête

Publié le par Guillaume Lagrée

 

Lundi 28 décembre 2009. 21h30.

Paris. Le SunsideQuintette d'Eric Le Lann.

Eric Le Lann
: trompette
Olivier Temime : saxophone ténor
Pierre de Bethmann : piano
Sylvain Romano : contrebasse
Jean-Pierre Arnaud : batterie

Intro à la trompette, voilée et acide. Du Le Lann. Une ballade. Le sax d’Olivier sonne mal. Alors Eric joue poussé solidement et tranquillement par la rythmique. Eric apporte du feu, du piment à la ballade. Au tour d’Olivier. Ca y est, le ténor sonne bien. Ca sonne chaud, viril, rollinsien. C’est bon mais Eric Le Lann avec Rick Margitza au sax ténor c’est mieux. Solo de piano. Ca trille, ça décale. Eric est le supplément d’âme de ce groupe de virtuoses.

Intro au feeling latin. Ca swingue tranquille. C’est un morceau d’Eric écrit pour l’une de ses filles, des jumelles, « Le bleu d’Hortense ». C’est un morceau signature.Une belle manifestation d’amour paternel. Il le joue plus vite, plus joyeusement que d’habitude. La rythmique pousse énergiquement sans contester le patron, Eric Le Lann. Olivier à son tour lâche les vannes. Ca pulse. Solo virtuose de piano. Très beau final où le chant de la trompette émerge de la masse sonore du groupe. Puis tout s’adoucit pour accompagner le souffle d’Eric.

« Black and white » ( Tom Jobim). Le Lann revisite ses classiques ce soir. Il a joué ce morceau en duo avec Martial Solal au piano (Jazz à Vannes 1999) puis en duo avec Jean Marie Ecay à la guitare (album Le Lann/Ecay play Jobim). Duo piano/trompette puis le contrebassiste vient poser le rythme et le batteur malaxe aux balais. Eric surfe sur la vague de la rythmique. « Et l’unique cordeau des trompettes marines » (Guillaume Apollinaire). C’est l’Océan Atlantique qui relie la Bretagne d’Eric Le Lann au Brésil d’Antonio Carlos Jobim. Au tour d’Olivier. Son son est plus viril, plus brusque que celui d’Eric mais efficace. En jouant plus tranquillement, en faisant moins étalage de sa virtuosité, Pierre de Bethmann gagne en émotion. Premier solo de contrebasse : grave, solo, bondissant. Un surf élégant sur les vagues de Copacabana. Le groupe repart bien synchrone en virages souples vers le final.

Un morceau plus dynamique, plus punchy. Après l’exposé du thème, c’est à Olivier de mener la danse. Gros son velu du sax ténor qui vrombit, gronde, grogne poussé par la contrebasse et la batterie. Rollinsien. Le groupe n’est pas rodé. Les morceaux ne s’enchaînent pas. Mais, une fois lancés, ça tourne bien. De Bethmann distille mieux ses notes. Il étale moins et me touche plus. La salle est archi comble. Des gens sont assis sur des poufs dans le couloir de circulation. D’autres sont assis au bar. Pourvu qu’il n’y ait pas d’incendie ce soir au Sunside ! Le Lann est en grande forme. Il nous vrille sur place. Olivier Temime remet sa casquette avant de jouer. Comme certains tennismen, ça doit compter dans sa concentration. Breaks de batterie bien sentis sans en faire trop. Ca lance et relance entre le batteur et le reste du groupe.

PAUSE

Ballade jouée par le piano et la trompette. « The man I love », un standard qu’Eric affectionne. Le groupe est parti. Olivier en solo bien soutenu par la rythmique. Eric ajoute de l’urgence, de la passion à cette musique. Beau chant/contrechant final entre trompette et sax.

« C’est la nuit Lola » écrit pour l’autre fille jumelle d’Eric. Sur une ballade, Eric n’emploie jamais la sourdine Harmon. Certes il est influencé par Miles Davis mais il ne veut pas le copier. C’est une ballade très émouvante. Le Lann est un musicien lunaire, pas solaire. Le groupe est bien soudé derrière la trompette d’Eric qui polit élégamment la mélodie.

Un morceau vif, swing. « You don’t know what love is ». Une ballade traitée sur un tempo vif bien sympathique. Le Lann très en verve au dessus de la rythmique, rapide et brûlant comme l’éclair. Le solo de Temime est bon techniquement mais moins émouvant. Le 2e solo de Pierre sur ce morceau est plus fin, plus retenu, plus émouvant que le premier. Il lance idéalement le chant/contrechant final des cuivres.

« Today I fell in love » (Le Lann). A écouter notamment sur le dernier album d’Eric Le Lann. Gros son de contrebasse. Le piano et la batterie entrent dans la danse. Morceau bien funky, joyeux. Il n’y pas de raison d’être triste quand on tombe amoureux. Solo de ténor funky, charpenté reposant sur l’assise souple et ferme de la rythmique. Bonnes prises d’appui du ténor qui collent bien avec la rythmique. Comme dit Prince : « Let the groove on ! ». La pression diminue. Avec Le Lann en solo, ça joue plus relax mais la tension demeure sous-jacente. Elle monte tranquillement, progressivement. Le groupe reprend. Pas d’applaudissements. Le public est scotché, attend la suite. La grande brune et belle demoiselle à ma gauche bat la mesure de ses doigts sur son menton. Pierre de Bethmann fait fumer le piano. Fin comme un stop : brusque et nette.

Il se faisait tard et pour ne pas trouver le métro fermé je suis parti à la 2e pause. Le groupe était plus soudé, plus cohérent à la deuxième qu’à la première partie. Il le fut sûrement plus encore lors du 2e concert le mardi 29 décembre mais j’y étais le lundi 28. Dans le matériau sonore, rien de neuf si ce n’est le plaisir sans cesse renouvelé d’entendre Eric Le Lann en grande forme mener sa barque musicale entre standards et compositions qui vous restent en tête. C’est assez pour mon bon plaisir.

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