Roy Haynes 85 ans au sommet de son art au Duc des Lombards

Publié le par Guillaume Lagrée

 

 

Paris. Le Duc des Lombards. Vendredi 14 mai 2010. 22h.

 

Roy Haynes. 85th Birthday Tour.

 

Roy Haynes: batterie

David Wong: contrebasse

Martin Bejerano: piano

Jaleel Shaw: saxophones alto, soprano.

 

Roy Haynes monte sur scène avec sa médaille de Chevalier des Arts et des Lettres autour du cou. Ses accompagnateurs pourraient être ses petits-enfants. 85 ans et Roy Haynes ne peut pas s’empêcher d’avoir la pêche. C’est du bebop. Roy Haynes peut se le permettre. Il a joué avec Charlie Parker. Comme Art Blakey, quand Roy Haynes est derrière ses futs, les autres musiciens ont intérêt à se mettre au niveau. Il ne va pas se mettre à jouer moins vite, moins haut, moins fort pour leur permettre de suivre. Le pianiste sait jouer. Les doigts virevoltent mais ce n’est pas le nouveau Tommy Flanagan. Solo de contrebasse très élégant. Roy Haynes place quelques notes senties, maîtrisées, à l’écoute. Il a des fentes d’escrimeur.

 

Un morceau plus calme. Roy Haynes est un bel exemple pour la vieillesse. 85 ans, nom de Zeus ! Le contrebassiste tient la maison. Le pianiste parcourt le clavier en long, en large et en travers. Pendant ce temps là, Roy Haynes nous met la claque à chaque frappe même quand il retient sa force. Travail tout en finesse, du bout des baguettes sur la cymbale charleston pendant le solo de contrebasse. Solo du Boss. J’espère qu’il y a des batteurs dans la salle venus prendre la leçon du Maître. J’avais vu ainsi Aldo Romano au fond de la salle du Sunside lors d’un précédent concert de Roy Haynes. Long silence. «  You are the best » dit une spectatrice. «  That’s true » ajoute un spectateur.

 

La rythmique repart sur un air léger, mystérieux. Roy Haynes hache le tempo menu, menu à nous rendre fou. « My heart belongs to Daddy ».Marilyn Monroe en prend un coup ! Manifestement, Roy Haynes n’a pas de rhumatisme ou alors il le cache bien. Cet homme peut vous rendre fou avec sa batterie tant il est puissant, renversant, impressionnant. Ca pulse tellement que le sax alto est obligé de mettre ses tripes sur la table et d’en faire quelque chose. L’accompagnement de batterie est très fin, très puissant, très créatif. Il ne s’agit pas d’une démonstration mais d’un Maître en ébullition permanente de création. Roy Haynes reprend sa frappe baguette sur baguette contre le bord de caisse. Leur cœur appartient toujours à Papa. Roy Haynes marche sur la scène en jouant baguette sur baguette. Le groupe brode élégamment, souple, sinueux. Ce que Roy fait est ancestral et ultramoderne. Ca se termine dans un souffle et un dernier tac de baguettes.

 

Introduction en douceur au saxophone alto. Agréable mais un peu long. Le groupe est parti sur « Everything happens to me », un standard. Roy est passé aux balais, toujours aussi souverain. Il joue à fleurets mouchetés mais il pique toujours. Le contrebassiste raconte de belles histoires en père tranquille. Fin avec des vibrations de cymbales sous les maillets.

 

Introduction du Maître. Les tambours chantent sous les maillets. Pédale légère et ferme de la grosse caisse. Il lance le son, le prolonge, l’arrête comme il claquerait un fouet. Il dompte sa batterie. Nous sommes tous ébahis et ébaubis. Le jeu des pieds est lent alors que celui des mains est ultra rapide. Il reprend les baguettes et le groupe repart sur un bon vieux be bop des familles. Non, c’est au-delà du bebop puisque c’est du Monk. « Si Monk m’avait entendu jouer son morceau comme cela ce soir, je pense qu’il m’aurait botté le cul » commente Roy Haynes. A écouter Thelonious Monk «  Misterioso »avec Johnny Griffin, Abdul Abdul Malik, Roy Haynes. Roy Haynes nous parle, nous raconte des histoires de Jazz, l’histoire du Jazz, son histoire. Il imite même Frank Sinatra «  When I was seventeen… » . « Quand j’ai joué avec Charlie Parker à Philadelphie en 1950, John Coltrane n’était qu’un des musiciens présents dans le public. Mais, dans les années 1960, John Coltrane avait un batteur en lui. Il n’y avait qu’à suivre ce batteur. » (A écouter John Coltrane « Live in Newport. 1963. » Roy Haynes remplace Elvin Jones dans le quartet de John Coltrane et le remplaçant fait oublier le titulaire).

 

Il ne reste que 3mn alors ils se remettent à jouer. Sax soprano. Assez coltranien en effet. Quels roulements de tambour ! Le dieu Siva est à la batterie ce soir.

 

En plein débat sur l’âge de la retraite, Roy Haynes, 85 ans, nous a donné une leçon de jeunesse. Cet homme n’exerce pas une profession. Il vit sa passion. Nuance…

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