Le nouveau trio de Dan Tepfer au Sunside
Dan Tepfer Trio
Paris Le Sunside
Samedi 8 août 2015. 21h
Dan Tepfer : piano, compositions, direction
François Moutin: contrebasse
Arthur Hnatek: batterie
En fond sonore, avant le concert et pendant les pauses, l’excellent album " New Song " du contrebassiste Omer Avital.
Pas de présentation des musiciens. Le groupe est composé d’un Franco-Américain au piano, d’un Français à la contrebasse et d’un Suisse à la batterie. Tous vivent à New York et jouent à Paris ce soir. C’est un effet positif de la mondialisation. Ca commence par une ballade. Batteur aux balais. C’est souple et tenu. François Moutin diffuse toujours la vibration positive. Le tempo s’accélère. Le batteur est passé aux baguettes. Les vagues se succèdent.
Pas d’annonce des morceaux et des musiciens pour l’instant. « Music speaks for itself » (Miles Davis). Le batteur fait des bruitages avec des percussions. La contrebasse creuse le son et le piano enlève le tout. C’est une beauté abstraite. Comme chez Jackson Pollock qui inspira John Coltrane, les taches ne sont pas jetées au hasard. Ce jeune batteur est à la fois puissant et savant. Pur moment de magie en piano solo. Le piano grandit sous les doigts de Dan Tepfer. Splendide jusqu’au bout.
Un petit air léger, sautillant. Le fluide sympathique circule bien entre ces trois là. Le batteur est aux balais. Je le découvre ce soir. Juan Carlos Hernandez, photographe attitré de ce blog, m’a chaudement recommandé son compatriote. Je comprends pourquoi. Il est trop tôt pour dire s’il est le digne successeur de Daniel Humair, autre batteur suisse, mais il a du potentiel, à l’évidence. Notez bien son nom : Arthur Hnatek. Les cordes pincées par François Moutin, c’est toute une histoire, plutôt drôle d’ailleurs. C’est joyeux et délicieusement funky. Le batteur coupe du petit bois finement.
Maintenant que la douce ambiance est bien installée, Dan Tepfer présente les musiciens et les morceaux. Ils ont joué ses compositions « Catching time », « 547 » et un hommage à Thelonious Monk dont le titre m’échappe.
« Little princess » (Dan Tepfer). La salle est archi comble. Pour un début août à Paris, c’est étonnant. Il est réjouissant que la bonne musique jouée par des gens bien attire le public. Morceau tendrement perlé de notes de piano. Batteur aux baguettes. C’est tendre mais pas mièvre. Le jeu est viril mais correct. Roulements de tambours comme des caresses. Cette petite princesse court, joue, saute. Jolie fin surprise.
Un standard. « I loves You Porgy » (Georges Gerswhin, Porgy and Bess). Batteur aux balais. C’est tendre, onctueux mais pas sirupeux. “ Le bon goût consiste à savoir jusqu’où on peut aller trop loin » (Jean Cocteau, premier président de l’Académie du Jazz). Délicieux massage pour le système auditif. Il n’y a qu’à fermer les yeux et se laisser aller. Le trio piano/contrebasse/batterie est une formule si usitée dans le Jazz qu’elle pourrait paraître usée mais il est encore possible d’en tirer quelque chose. La preuve avec ce trio. Un silence avant que nous n’osions applaudir.
« Road runner » (Dan Tepfer). Le Road runner est un oiseau qui court dans le désert de l’Ouest américain (Californie, Arizona, Nouveau Mexique). En français, le Grand Géocoucou. En latin, le Geoccocyx californianus. Il est connu par le dessin animé américain Road runner and Will E Coyote (en français, Bip Bip et Coyote) qui a réjoui mon enfance. Les doigts courent sur le piano. La batterie martèle les foulées. Cela pourrait faire un hit de pop music mais c’est du Jazz, complexe avec un beat puissant. Au milieu du trio, François Moutin tient la route, bien entendu. C’est un privilège d’entendre trois créateurs créer ensemble de la beauté éphémère le temps d’un concert.
PAUSE
Dan entame seul un petit air léger, enlevé. Le batteur tapote doucement des mains sur les tambours. Dialogue piano/contrebasse. Ca balance bien. Bonne sensation.
Un morceau félin qui s’étire ou s’agite selon l’envie de l’instant. Dan insiste, creuse un rythme jusqu’au final.
Que ce groupe est cohérent, soudé, interactif ! Et ce n’est pas du virtuel en plus. Tiens, un écho de Bach dans le jeu du pianiste. La musique est comme une bulle qui nous enlève en douceur sans éclater. C’était « I know » suivi de « Gilad » basé sur un air de musique classique indienne dont Dan nous fait la démonstration rythmique en scat. Ce jeune homme peut tout se permettre. Enfin, « Look outside ».
« Single Ladies ». Justement, il y en a une devant moi ce soir. Une brune à lunettes, très grande, solidement bâtie, venue seule au concert ce qui ne signifie pas qu’elle soit seule dans la vie, bien entendu. Un morceau punchy. Ces dames célibataires ne s’ennuient pas. Elles dansent joyeusement. Solo de batterie. Pas d’esbroufe mais un son, un couleur, un discours personnels. Chauffeur, suivez ce batteur ! La demoiselle célibataire a apprécié. Moi aussi.
Une ballade. Batteur aux baguettes. Le morceau est peu à mon goût, trop dans le maniérisme hérité de Keith Jarrett. « Miguel », dédié à Miguel Zenon.
Dan Tepfer nous parle, en français puisqu’il est bilingue. « Est-ce qu’il y a des questions ? Pas de question. C’est que tout est clair. On essaie de travailler dans la clarté ». Bonne définition du jeu du trio . Grosse pulsation de la contrebasse. Passage calme puis la pulsation reprend. Belles vagues impressionnistes du piano. Je reconnais l’école française. Ca impulse, nom de Zeus !
PAUSE
Le train du départ en vacances partait tôt le lendemain matin. Le concert, pour moi, s’est donc arrêté là.
A mes oreilles, Dan Tepfer possède maintenant le meilleur trio piano/contrebasse/batterie de sa jeune carrière. Après le concert, j’espère l’album.
Le tryptique photographique François Moutin/Dan Tepfer&Lee Konitz/Arthur Hnatek est l'oeuvre du Sain Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette oeuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.
La première partie de ce concert se trouve dans la vidéo jointe à cet article. Silence, beauté.