ZODIAC SUITE de Mary Lou Williams. 2e mondiale par l'Umlaut Chamber Orchestra au théâtre de l'AQUARIUM

Publié le par Guillaume Lagrée

ZODIAC SUITE

Mary Lou Williams

Umlaut Chamber Orchestra

Dirigé par Pierre-Antoine Badaroux

Théâtre de l’Aquarium

Paris, Ile de France, France

Samedi 13 mai 2023, 17h

 

L'Umlaut Chamber Orchestra est composé de

Pierre-Antoine Badaroux : arrangements, direction

Chant : Agathe Peyrat

Flûte : Chloé Tallet

Hautbois : Guillaume Retail

Clarinette, saxophone ténor : Geoffroy Gesser

Basson : Pierre Fatus

Trompette : Brice Pichard

Cor : Harmonie Moeau

Trombone : Michaël Ballue

Violon : Clémentine Bousquet, Raphaël Coqblin, Clara Jascyszyn, Stéphanie Padel, Florian Perret, Lucie Pierrard, Emilie Sauzeau

Alto : Elsa Seger, Valentine Garilli

Violoncelle : Myrtille Hetzel, Pablo Tognan

Piano : Matthieu Naulleau

Contrebasse : Sébastien Beliah

Batterie : Antonin Gerbal

 

En 1945, Mary Lou Williams (1910-1981) ne fut pas satisfaite de la façon dont sa Zodiac Suite, où chaque titre correspond à un signe du zodiaque occidental et aux personnes de ce signe qu’elle connaissait, fut jouée. Elle put jouer « Virgo. Libra. Aries » (Vierge, Balance, Bélier) au Newport Jazz Festival, édition 1957, au sein du grand orchestre de Dizzy Gillespie. C’est seulement la 2e fois au monde que cette Suite orchestrale mêlant un orchestre classique et une section rythmique de jazz (piano, contrebasse & batterie) est jouée sur scène. Grâce à Pierre-Antoine Badaroux qui est allé relever les partitions et à l’Umlaut Chamber Orchestra qui les a travaillés.

Le pianiste arrive et commence, seul, un air swinguant. Avec une magnifique maîtrise des silences, des coupures (breaks). « Lonely moments » (Mary Lou Williams) dans sa version pour piano solo. Un chef d’œuvre.

Contrebasse et trompette se joignent au piano pour jouer un standard du Jazz, « Stardust ». Trompette bouchée avec son wah wah à l’ancienne. Le trio swingue relax, sans batteur.

S’ajoutent le trombone, le batteur, la clarinette. Cela fait donc un sextet. Pas noté le titre. Batteur aux balais. Trombone et trompette avec sourdine. Entre rythmique et soufflants, ça se rejoint, s’affronte, se conjugue par vagues.

L’orchestre au complet s’installe pour jouer la « Zodiac Suite » de Mary Lou Williams. 12 morceaux enchaînés. Un par signe du zodiaque occidental, inspiré par les caractères attribués à ces signes et les personnes qu’elles connaissaient de ces signes. L’orchestre s’accorde. Pierre-Antoine Badaroux a relevé les partitions et dirige.

Ca démarre doucement puis tout s’accélère à grands coups de violons et de soufflants. Une rythmique de jazz, des cordes, des cuivres. 1945. Nous sommes plus de 10 ans avant la Third Stream Music, mêlant Jazz et Classique, de Gunther Schuller & John Lewis.  « Mary Lou Williams est toujours contemporaine. Son écriture et son jeu ont toujours été un peu en avance tout au long de sa carrière » (Duke Ellington, Mémoires). C’est vraiment une suite orchestrale avec des tableaux qui se succèdent. Par contre, faute de programme, je ne sais pas quel signe est joué.

Mes notes prises en direct dans l’obscurité de la salle sont illisibles même pour moi. Tels sont les inconvénients du direct. Je vais tâcher de transcrire quelques impressions de cette œuvre riche et dense.

Mary Lou Williams a appris la musique en la jouant dès l'âge de 2 ans, pas au conservatoire. Il paraît qu’elle ne savait ni la lire ni l’écrire. Et pourtant, elle a composé une œuvre complexe où les styles dialoguent en permanence. Le Swing, le début du Be Bop (œuvre de 1945. Elle a donné des cours à Thelonious Monk et Bud Powell), le romantisme allemand, l’école russe (Prokofiev, Tchaikovsky, Moussorgski), la musique savante contemporaine de son temps (Bartok, Schoenberg, Stravinski), tout cela se succède, se choque, se mêle. Cette musique me semble totalement écrite tout en laissant croire à l'auditeur que des parties sont improvisées, comme celle de Jelly Roll Morton.

Les musicologues experts, dont je ne suis pas, peuvent s’amuser à repérer les influences au sein de chaque morceau. Il y aussi la musique de film dans ses influences. Parfois, en écoutant, je voyais des scènes de péplum (Cléopâtre qui en met plein la vue à César), de western (scène de duel), de polar (planque dans une nuit pluvieuse), de comédie romantique (les amoureux qui se cherchent, se trouvent et se séparent).

En plus, il me faudrait avoir le programme précis pour repérer quel signe du zodiaque est joué et si j’y retrouve les traits de caractère qui sont prêtés aux natifs de ce signe. Je me souviens avoir envoyé le morceau « Scorpio » à une collègue et amie native du signe du Scorpion qui s’y est immédiatement reconnue. Cf extrait audio au dessus de cet article.

Pour ma part, il faudrait que je repère « Gemini » (aussi le titre d' une composition de Miles Davis né sous le signe des Gémeaux) pour savoir si je m’y retrouve.

La masse des violons domine mais Mary Lou Williams n’oublie jamais le Blues quoi qu’elle compose et joue. La rythmique maintient la pulsation Jazz et les soufflants (trompette, trombone, clarinette, saxophone) jouent bien comme des musiciens de Jazz, pas comme des musiciens de classique. Beau solo de sax ténor par exemple.

La chanteuse a rejoint l’orchestre pour le dernier morceau. Avec des envolées lyriques, pas du scat mais sur un air de Jazz. Pas de rappel. Tout était dit.

Mary Lou Williams n’était pas satisfaite des versions données de son œuvre sur scène en 1945. Sa partition avait été déformée, les musiciens ne jouaient pas ce qu’elle voulait, elle s’est fait descendre par la critique. Elle en fut profondément affectée car elle y avait investi beaucoup de travail, de temps et d’argent. En 1945, elle se heurtait à la fois au racisme et au sexisme. Cela la freinait mais ne l’a jamais arrêté.

Je suis heureux d’avoir pu assister à cette deuxième mondiale, à Paris, au théâtre de l’Aquarium, le samedi 13 mai 2023. Vu l’heure, un samedi après-midi, et le lieu (le théâtre de l’Aquarium fait partie de la Cartoucherie dans le Bois de Vincennes), il y avait des enfants et des parents dans la salle. L’œuvre captive toutes les générations. J’en suis témoin.

Le théâtre de l’Aquarium est subventionné par la mairie de Paris, le conseil régional d’Ile de France et le ministère de la Culture. Je me réjouis de cette belle et bonne utilisation de mes impôts locaux et nationaux. Umlaut qui est à la fois un orchestre de jazz et un orchestre de chambre en est le partenaire particulier.

Le travail de récréation de cette œuvre se poursuit puisque l’Umlaut Chamber Orchestra enregistrera prochainement la Zodiac Suite de Mary Lou Williams dans son intégralité.

 

 

 

Mardi 23 mai, 20h30, Arras (62), Scène Nationale le Tandem, Théâtre d'Arras: l'Umlaut Big Band, jouera de nouveau dans son intégralité la Zodiac Suite de Mary Lou Williams. La Zodiac Suite sera enregistrée sur place du mercredi 24 au samedi 27 mai. Album à suivre.

Vendredi 30 juin, 22h, Paris, théâtre de l’Aquarium, concert de l’Umlaut Big Band, dans le cadre du festival BRUIT (théâtre et musique). Cf vidéo sous cet article.

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