Tony Malaby 4tet sans entrave au Sunside
Tony Malaby 4tet
Paris, Ile de France, France
Le Sunside
Vendredi 21 mars 2025, 21h30
Tony Malaby : saxophone ténor
Marc Ducret : guitare électrique
Bruno Chevillon : contrebasse
Daniel Humair: batterie
« Jazz is Freedom » (Duke Ellington). Cette phrase est écrite sur le mur de fond de scène du Sunside. C’est bien l’esprit de la musique jouée ce soir. « Tony Malaby est le saxophoniste le plus intéressant depuis John Coltrane. C’est tellement libre, tellement libre » m’a dit Daniel Humair.
Concert dédié à Eric Barret, mort il y a quelques jours.
Stéphane Kerecki est dans le public, en spectateur. Sa main gauche avec attelle l’empêche de jouer ce soir. Accident de sport.
Ca commence tout de suite à 4 de manière souple, informelle. La musique s’étire comme du plasma, se forme, se déforme. La contrebasse vibre, les baguettes ponctuent finement, la guitare lance des éclairs tranchants, le sax ténor grogne. Ca vous caresse, vous agresse, vous griffe, vous ronronne comme un gros chat capricieux. Imprévisible. Absolument imprévisible. Le club se remplit, le bar tourne et les musiciens sont partis au loin. Qui aime les suive.
Dialogue de haute volée entre contrebasse & batterie. Tempo haché très fin. Digne d’un cuisinier chinois. Outre la batterie & la peinture, Daniel Humair est aussi un cuisinier de haut vol. Daniel Humair fait saccader ses baguettes sur les bords de caisses et les cymbales. A vous rendre fou. Le quartette repart. A cette allure, ils peuvent enquiller le concert d’une traite. Marc Ducret est toujours le Savant fou de la guitare électrique.
Fausse fin. Ca repart avec des barrissements de saxophone et des décharges électriques de guitare. Faut reconnaître. C’est du brutal. Contrebasse & batterie entretiennent la tension derrière. Concert fait pour mon ami Régis (Régis n’est pas un Khon) qui me fit découvrir ces musiciens il y a 30 ans. Maelstrom sonore. Solo de guitare où Marc Ducret slappe comme un bassiste alors que le batteur nous joue une marche militaire. Humair ajoute le tchic tchac des baguettes. Le sax ténor grogne. C’est funky mais étrangement. Ca repart sur un autre air bizarre & funky. Efficace en fait. Je bats la mesure du pied droit.
Retour au calme avec un dialogue batterie sax ténor. Quelques grognements de guitare étouffés derrière. Je sens le souffle de la bête depuis le fond de la salle. Solo de Bruno Chevillon à l’archet. Ca vrombit comme des voitures sur un circuit. Humair ponctue finement aux balais sur les tambours, malaxant la pâte sonore pour qu’elle lève. Ca marche. Le sax ténor s’envole.
Je pense qu’ils joueront un morceau par set. Nous applaudirons à la pause quand ils nous laisseront reprendre notre souffle. Pour l’instant, concentration maximale pour les suivre dans leurs circonvolutions.
La tension monte entre contrebasse & batteur aux baguettes. Distorsions brèves de la guitare. Le sax s’envole. Silence. Solo de saxophone en volutes. Ca ondule, vibre, sans soutien. Batterie et guitare s’ajoutent pour relancer la machine. La guitare lance des éclairs soutenus finement mais solidement par contrebasse & batterie. Duo de bruits & de souffles entre guitare et saxophone. En douceur.
Applaudissements. 45mn d’improvisation sans interruption. Facile pour des musiciens de ce calibre. Le public a suivi.
PAUSE
Je sens un coup de barre mais ce concert est extraordinaire, unique même. Il n’y a pas école demain. Je reste donc.
Le 4tet reprend sans prévenir. Normal. C’est l’esprit. Je pense qu’ils vont jouer d’une traite de nouveau. Marc Ducret fait sonner sa guitare électrique comme une kora. Marche déstructurée de la batterie. Grincements de guitare. Vibration de la contrebasse. Le sax ténor de Tony Malaby souffle le coup de vent. Chaos organisé. Ca se calme. Solo de batterie aux baguettes. Dialogue tendu, sur le fil du rasoir, entre contrebasse & batterie. La guitare ponctue en finesse. Solo de guitare cinglant porté par la rythmique. « Fly like a butterfly, sting like a bee » (Mohamed Ali).
Au sax de prendre la tête, porté par les 3 autres. Pas de chance. A la pause, deux Américains se sont assis à ma gauche, plus intéressés par leur conversation que par la musique. A moins qu’ils ne parlent de la musique. C’est un club de Jazz. C’est permis. Dialogue sax-guitare. Question réponse permanent. La balle ne tombe jamais au sol. Le batteur ajoute une fine ponctuation aux baguettes. Trio sans guitare. Loin de Sonny Rollins, plus dans la lignée d’Ornette Coleman. Grosse pulsation de contrebasse dans le ventre. Humair distribue les pains comme aux noces. Sax ténor en vol libre. La guitare vient ajouter des éclairs à l’orage. Une serveuse fait tomber un plateau vide au sol. J’ai cru que cela faisait partie du concert. Dialogue acide guitare-batterie chauffé par les baguettes. Même mes voisins Américains se taisent et écoutent. Pas longtemps.
Solo bruitiste de guitare. Humair fait vibrer ses tambours. Claquements de bec du ténor. C’est la danse des jars version Free Jazz. Tout à coup, silence.
Ce n’est pas fini. Solo de Daniel Humair pour débuter, aux baguettes sur les tambours. Le contrebassiste enchaîne à mains nues. Superbe pulsation. Les cymbales chantent sous les baguettes. La guitare ajoute sa saturation. Sax ténor majestueux. Superbe. Final decrescendo splendide avec des bruits de guitare, des souffles de saxophone, des grincements de cymbales sous les baguettes et la contrebasse à l’archet. Ca repart avec des petits martèlements de tambours.
Tout est joué. Tout est dit. C’est fini.
Les photographies de Tony Malaby & Daniel Humair sont l'oeuvre de l'Imperturbable Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de ces oeuvres sans autorisation de leur auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.