Jean Renoir en ciné concert à la Fondation Pathé Seydoux

Publié le par Guillaume Lagrée

Ciné concert

Fondation Pathé-Seydoux

Paris, Ile de France, France

Mardi 27 juin 2023. 19h30

Création sur 2 courts métrages de Jean Renoir

« La petite marchande d’allumettes »

&

« Sur un air de Charleston »

 

Kolia Chabanier : piano, composition

Fiona Monbet : violon

Oscar Viret : trompette

 

Après un ciné concert sur Douglas Fairbans avec le duo Benjamin Moussay & Louis Sclavis en janvier 2022, me voici de retour à la fondation Pathé Seydoux pour un nouveau ciné concert.

Présentation de Jean-François Zygel et de Chloé ?

Catherine Hessling (1900-1979) fut le dernier modèle du peintre Auguste Renoir (1841-1919) et la première épouse de son fils Jean Renoir (1894-1979), cinéaste.

Par amour pour son épouse et en faire une vedette, Jean Renoir est devenu cinéaste.

Ce soir sont projetés 2 courts métrages :

  • La petite marchande d’allumettes d’après le conte de Hans Christian Andersen, tourné dans le grenier du théâtre du Vieux Colombier, théâtre qui existe toujours à Paris et dans les dunes de Marly pour l’extérieur
  • Sur un air de Charleston, hommage visuel au Jazz naissant

Pour le premier film, « La petite marchande d’allumettes » (1928) prennent place Kolia Chabanier au piano & Fiona Monbet au violon.

Le sujet est connu et il est fort triste. La petite marchande d’allumettes meurt de faim et de froid dehors ayant vainement tenté de se réchauffer avec des allumettes que personne n’a voulu lui acheter.

Ni l’agent de police ni le jeune homme ne lui porteront secours. Et les rombières concluent qu’elle n’a que ce qu’elle mérite. Quelle idée stupide de penser se réchauffer avec des allumettes !

Une création en duo piano violon pour accompagner le film. Lors des projections de films muets, il y avait toujours un orchestre qui jouait. Ce fut le premier emploi avec contrat de Stéphane Grapelli (1908-1997).

Le sujet est triste et glacial. La musique aussi. Mais pas seulement. Elle exprime les angoisses de la jeune fille, ses rêves d’amour et de richesse, sa fuite éperdue face à la Mort personnifiée par un grenadier à cheval à l’uniforme noir et au bonnet à tête de mort. Très belle cavalcade avec envolée du piano et du violon.

 

Jeu sans micro et sans électricité. La violoniste joue de l’archet en le glissant ou en tapotant, en pizzicato. Pas de percussion sur le violon. Le pianiste et compositeur dirige mais lui laisse toute la place nécessaire.

La musique accompagne l’action sans la surligner. Jean Renoir est d’une invention visuelle stupéfiante, jouant de la lumière pour éclairer ou assombrir son noir et blanc, usant de trucages, d’effets spéciaux, de la contrainte du décor (grenier d’un théâtre et dunes de sable) pour mettre sans cesse en valeur, la beauté de l’actrice principale, son épouse Catherine Hessling, une rousse flamboyante.

 

Le deuxième film « Sur un air de Charleston » (1927) est une satire sur les préjugés et les fantasmes de la relation entre l’homme noir et la femme blanche, l’Afrique et l’Europe. Cf vidéo sous cet article.

Prennent place en bord de scène Kolia Chabanier au piano et Oscar Viret à la trompette. Pour jouer le Charleston, il faut une trompette.

L’action se passe en 2028. L’Afrique est riche.  L’Europe est désertique, terra incognita. Un explorateur Africain part en ballon explorer l’Europe et se pose en France. Est-ce un homme noir ou un homme blanc grimé (Black Face comme disent les Américains) ? J’ai un doute sur le sujet. Après vérification, il s'agit de Johnny Hudgins (1896-1990), acteur noir américain, qui se grimait en Black Face, noircissant sa peau et blanchissant ses lèvres. Un ami de Joséphine Baker.

Une fois atterri, le savant rencontre une femme blanche, quasi nue, qui danse dans une rue en ruine avec un singe, enfin un homme dans un costume de singe visiblement.

C’est encore Catherine Hessling qui, après un film triste, « La petite marchande d’allumettes » déborde de joie, de vitalité, de sensualité, d’énergie, capture le savant noir, puis le délivre pour lui apprendre le Charleston, danse traditionnelle des Blancs aborigènes (sic). Séduit, envoûté, l’explorateur noir repart en ballon emmenant la femme blanche et laissant sur place le singe inconsolable.

Cette fois, Kolia Chabanier a composé une musique inspirée du Charleston, joyeuse, sautillante, saccadée. Oscar Viret à la trompette brille de mille feux, avec ou sans sourdine Harmon. Ils expriment la surprise, la joie, l’énergie, la vitalité, la sensualité qui se dégagent du film.  Même s’il n’y a ni contrebasse ni batterie, la musique percute bien. Jean Renoir apparaît même avec des amis en ange rigolard qui regarde ces scènes de séduction entre femme blanche primitive et homme noir civilisé.

Jean Renoir & Catherine Hessling ont eu un fils Alain Renoir (1921-2008) et ont divorcé en 1943. A l’époque de ces films Jean Renoir était fou amoureux de son épouse et cela se voit qu’il la filme triste ou joyeuse. Merci à Kolia Chabanier, Fiona Monbet & Oscar Viret d’avoir su transcrire cet amour, cette vitalité, cette créativité en musique.

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