Eddy m'a dit. Emmanuel Bex rend vie à Eddy Louiss au Sunset

Publié le par Guillaume Lagrée

Emmanuel Bex par Juan Carlos HERNANDEZ

Emmanuel Bex par Juan Carlos HERNANDEZ

Eddy m’a dit

Emmanuel Bex joue Eddy Louiss

Paris, Ile de France, France

Le Sunset

Mardi 12 mars 2024, 20h30

 

Emmanuel Bex : orgue Hammond, MC

Antonin Fresson : guitare basse électrique, guitare électrique

Tristan Bex : batterie

La Grande Soufflerie : fanfare de Seine-Saint-Denis, Ile de France, France

 

Edouard Louise dit Eddy Louiss (1941-2015) : pianiste, organiste, chanteur, chef d’orchestre, compositeur, directeur musical. Quand Eddy Louiss est mort, Emmanuel Bex a confié à ce blog ses souvenirs d'Eddy Louiss. Désormais, il le joue sur scène, à sa façon mais dans l’esprit d’Eddy, avec une fanfare de musiciens amateurs comme Eddy Louiss et sa Multicolore Feeling Fanfare qui mêlait musiciens professionnels et amateurs. Cf vidéo sous cet article. Un album suivra.

Bex commence direct en solo. Guitare et batterie arrivent. La basse est jouée par l’orgue. Je retrouve immédiatement le groove subtil du trio Eddy Louiss, René Thomas, Bernard Lubat qui emballa Stan Getz. C’est joué note pour note avec fidélité et intensité. Quel bonheur de retrouver cette musique de 1971 (mon année de naissance) jouée en 2024 ! Emmanuel Bex improvise dans l’esprit mais sans copie car Eddy Louiss ne copiait personne. C’est « Dum Dum Dum ». Je bats la mesure du pied droit. Les têtes à cheveux blancs à ma gauche se balancent en mesure. Le guitariste sort des effets que ne jouait pas René Thomas. La musique est une caresse chaude. Le batteur remet du charbon dans la machine. Ca chauffe. C’était trop sage pour du Bex. Ca devient du rock bruitiste entre batterie et guitare. Bex sort de l’orgue Hammond des sons dont il a le secret. C’est iconoclaste mais le Jazz est fondé sur l’iconoclasme.

Le trio a changé de morceau sans prévenir. Ils passent maintenant à « Our kind of Sabi » toujours du trio Louiss, Thomas, Lubat. Eddy Louiss le jouait en duo avec Claude Nougaro qui le chantait sous le titre « C’est Eddy ». Version particulièrement sèche et nerveuse. Les souffleurs attendent sagement leur tour au bar du Sunset. « Dum Dum Dum » & « Our kind of Sabi » figurent sur l’album « Dynasty » de Stan Getz enregistré en concert à Londres au Ronnie’s Scott en 1971. Un album culte. Cf extrait audio au dessus de cet article.

Emmanuel Bex explique qu’il ne rend jamais hommage car les hommages c’est compassé. Mais il a voulu explorer la musique d’Eddy Louiss.

« Romance » un morceau qu’Eddy Louiss a enregistré seul dans la ferme du Poitou où il vivait, loin de Paris et de ses tentations nocturnes. « Le coq et la pendule » autre chanson de Claude Nougaro, qui se passe dans une ferme du Poitou, ne viendrait-elle pas de là ?

Une sorte de ballade. Ca groove toujours. Avec un petit feeling antillais. Eddy Louiss est né à Paris d’un père musicien natif de La Trinité en Martinique. La musique caribéenne coulait dans ses veines. Mon pied droit bouge tout seul. Avec de la place, je danserais. Guitare basse et batterie ajoutent encore plus de groove. Ca chauffe du feu de Zeus ! Solo de basse en douceur. Le batteur tapote doucement.

Emmanuel Bex joue une chanson qu’il joue depuis le 24 février 2022 et l’attaque de l’Ukraine par la Russie. Ce n’est pas du répertoire d’Eddy Louiss. Morceau dédié à toutes les victimes de massacres, à Gaza et en Israël aussi. L’orgue Hammond lance une musique proche d’un Requiem. Retour à la guitare. Blues triste. Ce n’est pas un pléonasme car il existe des Blues joyeux. Le batteur martèle.

Emmanuel Bex nous raconte ses souvenirs d’Eddy Louiss. Son premier concert de Jazz à Paris, c’était à Paris au Sunset en 1982. Le club venait d’ouvrir et Emmanuel Bex venait d’arriver de Normandie à Paris. Il ouvre Pariscope (journal culturel disparu depuis) et voit indiqué un concert d’Eddy Louiss à 22h. Il est là à l’heure. Le concert a commencé à 23h30. Bex a attendu sagement avec un verre car il ne pouvait s’en payer deux. Eddy Louiss jouait en duo avec le batteur Tony Rabeson (1958). A l’époque, le Jazz c’était tard, rappelle Emmanuel Bex. Il est sorti du club à 6h du matin. Le soleil se levait sur la Seine. Il s’est dit que le Jazz c’était génial et qu’il voulait en faire toute sa vie. Il le fait encore.

En souvenir de ce concert, une biguine jouée ce soir-là. Sans titre. Eddy Louiss la jouait de mémoire car elle faisait partie du répertoire de l’orchestre de son père, Pierre Louise, qui jouait dans les bals en Martinique. Solo d’orgue Hammond en intro. Ca balance tranquille. C’est bien une biguine. Bex a enlevé ses lunettes noires et grogne de joie en jouant. Ca s’agite sérieusement. La version du trio n’est pas facile à danser. Les souffleurs entrent sur la scène en jouant. 15 musiciens. La petite scène du Sunset est débordée. C’est émouvant et joyeux. Ils chantonnent « Pa pa pa pa la pa pa la pa pa ». A peu près. Puis ils battent des mains repris par quelques spectateurs. Ah ça, ce n’est pas de l’hommage compassé! Retour à la basse.

Bex nous lance. « Ce serait sympa si vous dansiez aussi ». Ca commence à souffler. Avec le gros son de fanfare qu’adorait Eddy Louiss. La puissance est retenue puis ça monte doucement. Bex est debiut face à l’orchestre pour diriger. C’est bien le groove de la fanfare d’Eddy Louiss. Joyeux, vivant, foutraque mais organisé. Une musique à jouer cet été en plein air avec la place pour danser. Ce n’est pas ce groupe qui jouera pour la cérémonie d’ouverture des JO de Paris en juillet 2024 et je le regrette déjà. Il y a de quoi faire danser un stade, une ville,  une Nation, un Monde.

Retour au trio orgue basse batterie pour une musique planante. Ca sonne électro jazz. Emmanuel Bex a remis ses lunettes noires pour se mettre dans l’ambiance. La fanfare enchaîne. Solo de batterie avec des sons trafiqués. Aux baguettes. Le père écoute son fils. Tout le groupe reprend un air joyeux, festif. Pas tout le groupe. Juste les saxophones poussés par la rythmique. Mon pied droit se remet à battre mécaniquement. Les trompettes entrent dans la fête. C’est l’esprit Nouvelle Orléans à la française avec une touche d’Antilles. « 2e accord. On y va. Allez ! » Bex annonce le jeu et le groupe enchaîne. La fanfare sort de scène.

PAUSE

Ca repart en trio. Orgue, basse, batterie. Tranquille et étrange. La musique installe le silence pendant que des spectateurs s’assoient. Un enregistrement de la voix d’Eddy Louiss est diffusé. Il explique qu’à Paris, Lou Bennett lui a expliqué comment se servir d’un orgue Hammond. Lou Bennett (1926-1997) était né Jean-Louis Benoît à Philadelphie, USA, d’une mère américaine et d’un père martiniquais. La Martinique encore et toujours pour Eddy Louiss. Le trio démarre sur un tempo lent. Pesant même. Basse et batterie marquent le pas alors que, de l’orgue, sort une nappe continue de sons. Un bain moussant musical bien chaud. Le trio avance soudé. Irrésistible. Même les tintements des glaçons dans les verres au bar du Sunset sont en rythme avec la musique. Un Blues d’Eddy Louiss pour son Maitre Kenny Clarke, « Blues for Klook ».

« Dive » (?). Je ne garantis pas le titre du morceau. Le tempo se décompose. Série de bruitages entre orgue et batterie. Petit à petit, ça chauffe. La guitare électrique enchaîne, se mêle en boucle à l’orgue. Mon pied droit recommence à battre. Ca marche. Batteur aux baguettes. Bax a enlevé les lunettes noires et chante avec le Vocoder. Il adore ce truc qu’Eddy Louiss utilisait aussi. Le trio repart et ça chauffe. En guitare et orgue poussés fermes par la batterie. La musique de ce trio est parfois si bonne qu’elle devrait être illégale.

« Nardis » (Miles Davis) dans la version du trio Eddy Louiss, René Thomas, Bernard Lubat. Démarrage par un solo d’orgue. Emmanuel Bex a remis les lunettes noires et grogne ce qu’il joue. Il arrive au thème et le trio démarre. Pas longtemps. Solo de guitare planant à suivre. Retour au thème en trio avec quelques secousses. Solo de batterie puis retour au thème en trio et, là, ça envoie.

« Eddy m’a dit » composé par Emmanuel Bex pour Eddy Louiss. « Il a dû me murmurer quelque chose » explique Emmanuel Bex. Des sons étranges sortent de l’orgue Hammond et la voix s’ajoute au Vocoder. Guitare et batteur aux baguettes en douceur. Je m’endors, bercé.

Il est temps de me réveiller. La Grande Soufflerie remonte sur scène pour jouer « Le petit Ali » et « Les éléphants », deux compositions d’Eddy Louiss trafiquées par Emmanuel Bex. Une ballade tranquille avec basse. Une comptine. Puis la charge des éléphants. Avec les souffleurs qui jouent et chantent. Mes jambes bougent hors de mon contrôle. C’est fait pour danser en plein air aux beaux jours. J’entends des riffs de guitare mais c’est une basse qui joue. Ca doit sortir de l’orgue Hammond. Le public ne danse pas. Moi compris. Pour excuse, la salle ne s’y prête guère.

Un petit bijou funky pour finir. Dérivé de la biguine jouée lors de la première partie du concert. «  pa pa pa la pa la ». La fanfare sort de scène en chantant et en tapant des mains. Le trio orgue, basse, batterie continue de groover sévère sur scène.

Il y a école demain. Je ne suis donc pas resté pour le 3e set, même s’il devait être court. 15 souffleurs ce soir car le Sunset ne peut accueillir en plus. Emmanuel Bex m’apprend que la Grande Soufflerie peut compter jusqu’à 80 musiciens. J’espère bien que ce groupe sera programmé aux beaux jours, dans les festivals en plein air, avec la place pour permettre aux spectatrices hip et aux spectateurs cool de danser, chanter, battre des mains comme il leur plaira. 

 

 

 

 

La vidéo sous cet article a été enregistrée dans le public du Paris Jazz Festival édition 2011. Eddy Louiss à l'orgue Hammond. Jean-Marie Ecay à la guitare. Daniel Huck pour le solo de saxophone alto. Musiciens amateurs et professionnels réunis dans la Multicolor Feeling Fanfare. Dansez maintenant!

La photographie d'Emmanuel Bex est l'oeuvre de l'Epoustouflant Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette oeuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.

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