Ricky Ford &
Doug Sides Quartet
American Jazz Festiv'Halles
Le Sunside. Paris.
Vendredi 12 juillet 2019. 21h
Ricky Ford: saxophone ténor
Kirk Lightsey: piano
Peter Giron: contrebasse
Doug Sides: batterie
Le quartet attaque d'entrée. Gros son du ténor. Batteur aux baguettes. Ca sonne Blues, Noir. Son saturé du ténor. Ca grogne, gémit. L'héritage de John Coltrane mais plus ancré dans le Blues. Ca envoie. Je hoche la tête et bats des pieds. Un Free Blues. La rythmique nous emmène, passant des vagues de sons. Le pianiste chante, dans son élan. Solo de contrebasse ponctué finement aux baguettes sur la cymbale hi-hat. Peter Giron (1952) chante son air. Il se fait plaisir et nous en donne. Piano et batterie ponctuent. Le quartet reprend. Breaks de batterie. Ca swingue, sapristi! Frappes sèches, bonnes claques, bonne vibration.
" Welcome " que Ricky For (1954) traduit en français, " Bienvenue " puis en turc " Hos geldin ". Ricky Ford rappelle une anecdote avec Dexter Gordon (1923-1990), Géant du saxophone ténor. Ils vivaient dans le même immeuble à New York et allaient nager dans la même piscine universitaire. Sauf que Dexter ne nageait jamais droit le crawl et qu'il finissait toujours par prendre ses grandes mains en travers de la figure. Un nouveau tempo. Gros son de ténor hérité de Dexter Gordon. Le mot de bienvenue est vraiment chaleureux. Air mâtiné de Latin Jazz. Kirk Lightsey, sous ses airs de professeur honoraire des universités (il est né en 1937) swingue comme un démon. Nouveau solo de contrebasse chantant et chanté. Ca repart sur un mugissement du saxophone ténor. Breaks de batterie. La vibration prend la tête et le ventre.
" Hey Love " (Mary Rodgers). Une chanson de Broadway qui n'a jamais été jouée en Jazz selon Ricky Ford. Je le crois sur parole. Une ballade. Gros son du sax ténor. Batteur aux balais. Le rythme est plus lent mais la musique n'est pas calme. C'est passionné comme tout ce que joue Ricky Ford. La rythmique distille les notes, fluide et tranquille. Belle envolée finale du quartet avec Doug Sides aux maillets.
" T and B " une composition de Doug Sides (1942) en hommage aux Nicholas Brothers pourtant prénommés Harold et Fayard, les meilleurs danseurs de claquettes de l'histoire. Ricky Ford (1954) a eu le plaisir de jouer pour eux. Doug Sides reproduit les claquettes avec ses baguettes sur les bords de caisse. Un morceau énergique comme les frères Nicholas. Doug Sides a mis un bandeau de joueur de tennis pour éviter que la sueur ne coule sur ses lunettes. Il joue sans compter. Le pianiste swingue toujours autant et le batteur joue des claquettes sur les bords de caisses. Solo de contrebasse où je visualise les frères Nicholas danser. Solo de batterie en alternant jeu de claquettes et normal. Il joue sur les tambours de la paix.
PAUSE
Un écrivain américain, blanc, chauve, barbu, très élégant en costume cravate avec pochette est l'ange gardien du groupe. Il les photographie, veille à leur approvisionnement en eau. Il est aux petits soins. Ils le méritent.
La rythmique démarre sans saxophoniste. Une ballade pensive. Batteur aux balais. Joli pas cadencé.
La rythmique repart menée par le pianiste. Un air qui swingue. Batteur aux baguettes. Une sorte de Blues. Le chef fait sa pause syndicale. La rythmique assure. Ricky Ford revient sur scène alors que la rythmique chauffe déjà fort. Le quartet est reparti. Solo de contrebasse sans accompagnement. Puis tintement très léger de la charleston. Peter Giron accélère le jeu en chantonnant. s
Une chanson tirée d'un album concept. " Understanding love ". Ca swingue, pardi! Batteur aux baguettes. Ca chaloupe même. Ca balance souplement et énergiquement. Bref; c'est du Jazz! Ca fait du bien par où ça passe. Breaks de batterie énergiques et fins.
" Parfois tu écris une musique et tu ne sais pas comment l'appeler " explique Ricky Ford. Celle-ci fut écrit un soir de Noël. " Christmas Eve " en anglais. D'où le titre " On the Eve ". Finalement, ils jouent un autre morceau sans titre " Untitled X " . Ca démarre aussi sec. Un Blues rapide. Très hard bop mais sans que ça sonne copie. Non, ça sonne comme les originaux des années 50-60. Avec la même urgence, la même nécessité.
Normalement, ils jouent " On the Eve " mais, nouvelle surprise, ils jouent finalement " Love Lament " dédié à la chanteuse Abbey Lincoln (1930-2010). J'ai assisté à un concert d'Abbey Lincoln à Rennes vers 1994. En rappel, elle est venue seule sur scène chanter " She was tender as a rose ". A cappella comme sur son album hautement recommandé " Abbey Lincoln and the Riverside Jazz Stars " (1956) . Cela ne s'oublie pas. Batteur aux balais. Une ballade comme une caresse virile et sensuelle. Ricky Ford change de position de jambes pour être mieux campé et sonner mieux. Courte citation de " Laura ", ballade sublime. Le feeling de Kirk Lightsey est irrésistible. Bassiste et batteur le soutiennent superbement. Son velouté, viril, chaud du ténor qui nous amène jusqu'au final. Superbe
3e annonce de " On the Eve ". Cette fois, c'est la bonne. Gros solo de ténor pour commencer. Ricky Ford enflamme la bûche dans la cheminée. Le quartet enchaîne. Un morceau dynamique. Ca sent la joie, la fête en famille. Doug Sides joue avec tant d'énergie que ses partitions tombent à terre. Le pianiste mène le navire de la rythmique de main de maître.
PAUSE
La partie se joue en 3e sets gagnants mais j'ai eu ma dose de beauté. Pour moi, le concert est fini.
Ricky Ford est certainement un des meilleurs saxophonistes vivants. Il fait vivre la tradition des Blues Shouters modernisée par le Hard Bop et le Free Jazz. En plus d'être un interprète vibrant, c'est un compositeur affirmé qui ne joue pas de standards. Un musicien pour musiciens pas assez reconnu du grand public. Il vit, joue, enseigne et peint en France. Sa musique est à savourer sans modération.
Dans la vidéo ci-dessous, Ricky Ford est en concert avec une autre rythmique de feu (Mark Soskin, Jerome Harris, Barry Atschul) en concert au 75 Club à New York le 3 août 2018.
Les photographies de Ricky Ford et Peter Giron sont l'oeuvre du Tonitruant Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette oeuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.