Le Tropical Jazz Trio reçoit au Sunside

Publié le par Guillaume Lagrée

Tropical Jazz Trio

Le Sunside

Paris, Ile de France, France

Vendredi 15 septembre 2023, 21h30

Concert de sortie de l’album « Et si on parlait d’autre chose ? »

 

Le Tropical Jazz Trio est composé de

Alain Jean-Marie : piano, composition

Patrice Caratini : contrebasse, composition

Roger Raspail : percussions, composition

Invitée :

Maryll Abbas : accordéon

 

Je ne connais pas le nouvel album du Tropical Jazz trio. J’ignore donc ce qui sera joué ce soir. Cf vidéo sous cet article.

L’entente entre les 3 amis est toujours aussi formidable. Les percussions donnent la couleur si particulière à ce trio, remplaçant la batterie inventée par les descendants d’esclaves aux Etats Unis d’Amérique pour répondre à l’interdiction des percussions. En Guadeloupe, d’où viennent Alain Jean-Marie & Roger Raspail, le baril de rhum dit « Gros Quart » est devenu un instrument de percussion sous le nom créole « Gwo Ka ». Le Ka est classé au patrimoine mondial immatériel de l’humanité par l’UNESCO depuis 2014.

Un Guadeloupéen au piano, un Guadeloupéen aux percussions et un Altoséquanais au milieu, à la contrebasse, tel est l’équilibre du Tropical Jazz Trio.  Contrebasse et percussions vibrent dans mon ventre, le piano dans mes tympans. Alain Jean-Marie a le talent d’être en même temps énergique et mélancolique. Je n’ai pas compris le titre mais c’était une composition de Nicola Stilo, flutiste et guitariste italien qui joua avec Chet Baker, comme Alain Jean-Marie d’ailleurs. Pas capté le titre.

Une composition de Roger Raspail. Contrebasse à l’archet. Ca sonne tout de suite plus antillais. Je bats la mesure du pied. Contrebasse à mains nues. Les alizés soufflent. Je bats la mesure du pied et roule des épaules. Les tambours chantent sous les mains. La contrebasse pulse. Le pianiste attaque. Ce n’est ni du Jazz ni du traditionnel antillais. C’est un subtil cocktail à base de rhum de Guadeloupe mais pas seulement. Il est facile de faire du bruit avec des tambours. Beaucoup plus difficile de les faire chanter mélodieusement. C’est le talent d’un Maître comme Roger Raspail. Le niveau de jeu a sérieusement monté comme disent les commentateurs sportifs.

Ca ressemble à un tango. Sérieusement chaloupé. Je vois bien un couple de danseurs là-dessus. Pas du tout du tango. C’est un air de Jazz que je connais. Tropicalisé. Le titre m’échappe mais c’est « Con Alma » de Dizzy Gillespie, un des pères fondateurs du Latin Jazz.

« Manteca » (Chano Pozo & Dizzy Gillespie), l’acte fondateur du Jazz afro cubain. « Le rythme afro-cubain est comme la joie de l’homme qui a découvert le feu » (Michel Leiris). Roger Raspail s’en donne à cœur joie.  Chano Pozo jouait de la conga. La conga vient du Congo me fit remarquer un ami congolais quand j’étais étudiant. Les étudiants congolais se sentent chez eux quand ils sont à Cuba malgré la langue m’a appris l’ambassadeur du Congo Brazzaville en France. Bref, c’est la pulsation transatlantique Afrique-Amérique (Caraïbes) qui se joue ce soir à Paris. Ca balance comme il faut. Un classique du Latin Jazz. Bon pour la santé mentale.

L’invitée monte sur scène. Une accordéoniste de Bretagne, Maryll Abbas. Elle est présente sur le nouvel album « Et si on parlait d’autre chose ? ». L’accordéon s’insère parfaitement dans le trio sachant que les 3 hommes jouent ensemble depuis 40 ans, qu’ils sont d’une autre génération. Respect. Elle ajoute une touche de jazz musette tout à fait agréable. Fausse pause. Ca repart sur le thème.

PAUSE

Le trio repart en douceur. Ca balance toujours aussi bien. A Haïti, rocking chair se dit dodine, dérivé du vieux verbe français dodiner. C’est bien l’ambiance de cette musique. Les chaises du Sunside ne permettent pas, elles, de dodiner. Solo de contrebasse. Le percussionniste pétrit les sons. Le pianiste ponctue gravement. Decrescendo final tout en douceur. « Miss Jo » écrit par Patrice Caratini en hommage à Joséphine Baker pour la clarinettiste Catherine Delaunay.

Une mazurka d’Alain Jean-Marie dédiée à une date de l’abolition de l’esclavage, le 22 mai. La Première République avait aboli l’esclavage en l’an II (1794), Napoléon Bonaparte l’a rétabli le 20 mai 1802 et la Seconde République l’a aboli définitivement le 27 avril 1848. La loi tardant à être mise en vigueur en Martinique suite au blocage des planteurs, le soulèvement des esclaves le 22 mai 1848 le réalisa effectivement. Le 22 mai est un jour férié en Martinique depuis 1983 grâce à l’action d’Aimé Césaire. C’est le « 22 mezouk » d’Alain Jean-Marie. Un air antillais énergique. Un chant de liberté forcément. Vibration puissante entre contrebasse et percussions. Le piano décolle au-dessus.

Solo de contrebasse en pizzicato en intro. La porte donnant sur la terrasse du bar est fermée afin de ne plus être dérangé par les bruits des buveurs. Percussions et piano enchaînent. Pas d’applaudissement du solo. Le public reste concentré.

Introduction en piano solo. Dialogue en douceur avec les percussions. La contrebasse s’est ajoutée. Une sorte de ballade.

Roger Raspail nous donne le tempo en battant des mains et le public enchaîne. Il me semble que c’est la composition d’Alain Jean-Marie pour son épouse, la chanteuse Morena Fattorini, « Morena’s rêverie ».  Je bats la mesure du pied. Ca s’anime et se réveille. Roger Raspail met le feu, Alain Jean-Marie et Patrice Caratini attisent les braises et soufflent dessus. La musique flambe de mille feux. Les plus fidèles spectacteurs (j’ignore qui a créé ce néologisme) continuent de battre la mesure des mains.

 

Retour sur scène de l’accordéoniste Maryll Abbas. Un air qui balance doucement. L’accodéon ajoute un souffle de nostalgie. Roger Raspail aux baguettes sur les cymbales. Du jazz musette caribéen. Une calypso. « I need a man ».

Une composition de Roger Raspail dédiée à un Maître du Ka, Marcel Lollia dit Vélo (1931-1984). Leçon de créole de Guadeloupe en rythme. « Cé pou Vélo ». L’accordéoniste percute en accord avec le percussionniste. La musique monte en flèche entre accordéon et percussions., bien poussés par le piano et la contrebasse. Les créolophones de la salle chantent en chœur avec Roger Raspail. Chaude ambiance pour la fin de ce 2e set. Cf extrait audio au dessus de cet article.

PAUSE

La partie se joue en 3 sets gagnants mais j’ai eu ma dose de beauté pour ce soir. Le Tropical Jazz Trio sonne toujours aussi bien, aussi original et la présence de l’accordéoniste Maryll Abbas sur quelques morceaux ajoute vraiment des couleurs en plus à l’ensemble.

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