Jazz Archive: John Coltrane Quartet en concert à Antibes-Juan-les-Pins avec l'INA et Mezzo le jeudi 13 mars 2014 à 20h30
Concerts enregistrés au Festival international de Jazz d'Antibes-Juan-les-Pins, Alpes Maritimes, Provence Alpes Côte d'Azur, France, lundi 26 et mardi 27 juillet 1965.
Un film de Jean-Christophe Averty pour l'ORTF, conservé par l'INA , diffusé par Mezzo dans le cadre de la série Jazz Archive le jeudi 13 mars 2014 à 20h30.
DVD avec des notes de Dave Liebman
John Coltrane: saxophone ténor, compositions
Mac Coy Tyner: piano
Jimmy Garrison: contrebasse
Elvin Jones: batterie
En 1965, je n'étais pas né. 25 ans après, j'ai trouvé chez un disquaire l'enregistrement en concert au Festival d'Antibes-Juan-les-Pins du quartette de John Coltrane le 26 et le 27 juillet 1965. Quel choc! Il m'a fallu une vingtaine d'écoutes pour entrer dans cette musique tant elle est hors de ce monde. Techniquement, John Coltrane jouait faux mais, musicalement, cela n'a aucune importance. Il y a à peu près 10 ans, à Paris, un ami m'a dit: Imagine John Coltrane jouant en concert A Love Supreme . Qu'est ce que cela aurait donné! " A sa grande surprise, je lui ai répondu: " Cela existe et cela a été enregistré au Festival d'Antibes en juillet 1965 ". Il ne me croyait pas mais dut se rendre lorsque je lui fis écouter l'album.
Qu'est ce que cela a donc donné? La seule version en concert de " A Love Supreme " dure 48mn, contre les 34 de l'album studio. Les psalmodies " A Love Supreme " répétées en boucle sont absentes mais la mélodie est la même, jouée de manière beaucoup plus libre et plus intense au point que, des années plus tard, lorsque j'acquis l'album studio, il me parut bien sage face à ce concert antibois.
Heureusement, Jean-Christophe Averty, cinglé de music hall et fou de Jazz à qui Martial Solal dédia " Averty c'est moi " était là pour filmer ces concerts. Pensez que la même chaîne unique, publique, l'ORTF, diffusait à la fois " Intervilles " et John Coltrane en concert! Si les 48 mn du concert du 26 juillet se trouvent en CD, seules les 12 premières minutes du concert ont été filmées. Elles apportent bien plus que des heures de musique fade.C'est la grande musique sacrée du XX° siècle. John Coltrane avait les mêmes initiales que Jesus Christ. A croire que ce n'était pas un hasard tant sa musique dégageait d'amour et de foi. Elvin Jones disait de Coltrane qu'il n'était pas un homme mais un ange descendu sur Terre pour jouer sa musique. Même sur écran, presque 50 ans après, en noir et blanc, le groupe est impressionnant. A l'époque, le public est resté cloué par cette musique. L'effet marche encore.
Jean-Christophe Averty pratique ses jeux visuels, ses cadrages-débordements comme disent les rugbymen, ses surimpressions, surexpositions, ses plans passant du visage aux mains aussi vite que la pensée du musicien. Il faut un amour suprême de cette musique pour la filmer aussi bien. Comme chez son ami Sonny Rollins, le saxophone ténor a l'air d'un jouet malléable entre les mains de John Coltrane.Mac Coy Tyner dompte son piano, le force à lui obéir. Elvin Jones écoute, regarde, relance, répond. Jimmy Garrison, au centre, tient l'édifice. John Coltrane et Jimmy Garrison jouent yeux fermés, Mac Coy Tyner et Elvin Jones yeux grand ouverts.
Le lendemain, le mardi 27 juillet 1965, le quartet revenait sur scène pour jouer ses standards. " Naima ", " Ascension ", " Impressions ". Il les joue dans une inspiration paroxystique face à un public médusé. Les survivants doivent s'en souvenir encore. Les spectateurs restent mais ils osent à peine applaudir tant ils sont abasourdis par la puissance de cette musique, puissance qui n'est pas fonction d'un volume sonore élevé comme le croient les amateurs de musique amplifiée. Pendant les 10mn de solo de Jimmy Garrison qui introduit " Impressions " vous ne pouvez que rester bouche bée. La contrebasse semble suer. Elle sonne comme une guitare, une contrebasse, un violoncelle, un oud. L'engagement est total, même sur une ballade comme " Naima ". Ils jouent la musique la plus libre du monde en costumes noirs et noeud papillon. Tant de saxophonistes aimeraient jouer comme cela avec une telle rythmique derrière eux. Malheureusement pour eux et nous, c'st impossible. Autant vouloir écrire comme Marcel Proust ou Céline. Ce style est si irréductiblement lié à ses créateurs que toute copie reste une simple copie. C'est injouable. La barre est placée bien plus haut que 6m16.
Le film est à voir sur Mezzo le jeudi 13 mars 2014 à 20h30. Vous pouvez aussi vous offrir le DVD pour pouvoir, quand vous le désirez, vous retrouver à Antibes, dans la pinède Gould, face au quartette de John Coltrane par un beau soir de l'été 1965.Rien à ajouter.