Sonny Rollins Trio: Live in Europe. 1959. Complete recordings

Publié le par Guillaume Lagrée

 

Sonny Rollins Trio

Live in Europe 1959

Complete Recordings

Solar Records. 2011.

3 CD

 

Sonny Rollins: saxophone ténor

Henry Grimes: contrebasse

Pete La Roca: batterie (CD 1, CD2 : 1-7)

Joe Harris: batterie (CD 2:: 8-11)

Kenny Clarke: batterie (CD 3)

Sonny Rollins

 

 

La photographie de Sonny Rollins est l'oeuvre du Vertueux  Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette oeuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.

Sonny Rollins Trio, Live in Europe, 1959, vu par Jérôme Sabbagh, saxophoniste ténor bien connu des lecteurs de ce blog:

 Pour moi, les concerts de 1959 sont le pinacle du jeu "classique" mais néanmoins novateur chez Sonny Rollins.
C'est un type de perfection be-bop saxophonistique qu'il n'a jamais retrouvé depuis, malgré tout son génie. Et que personne n'a jamais égalé. Joe Henderson s'en approche à sa manière.

Cela n'enlève rien à la qualité de ce qu'a fait Rollins après. Mais tu sens qu'il cherche (peut-être jamais plus que dans la session avec Coleman Hawkins et feu Paul Bley " Sonny meets Hawk ", où le solo sur "All the Things You are " est un des grands moments de l'histoire du jazz).

Alors qu'en 1959, il a tout trouvé. C'est à son crédit qu'il a voulu se réinventer saxophonistiquement et esthétiquement. De toute façon, il ne pouvait pas faire mieux. C'était impossible.

Lectrices honnêtes, lecteurs rigoureux, j'ai un aveu à vous faire. J'ignore si l'album dont je vais vous parler maintenant est légal, si les droits d'auteur ont été versés aux musiciens ou à leurs ayant-droit pour Joe Harris et Kenny Clarke. Toutefois, l'album est en vente aux Etats Unis d'Amérique où résident Sonny Rollins, Henry Grimes et Pete Sims dit La Roca. Sonny Rollins a les moyens de payer d'excellents avocats et Pete Sims est lui même avocat en plus d'être batteur sous le nom de Pete La Roca.

Voici ce que Sonny Rollins, né en 1930, dit de cette période de sa longue carrière: " En 1959 j'avais beaucoup d'acclamations mais je voulais améliorer mon jeu. C'était aussi simple que ça. Je voulais devenir meilleur. Il ne me semblait pas que je jouais assez bien, pas aussi bien que je le voulais. Alors j'ai arrêté de jouer en direct en public. J'ai arrêté d'enregistrer. Et c'est cela, je suppose, la fameuse histoire que les gens savent sur moi, vous savez The Bridge ".

En 1959, Sonny Rollins était TRES exigeant avec sa musique. Bien plus qu'aujourd'hui. A celui qui a beaucoup donné, il sera beaucoup pardonné. Ce que donne ici Sonny Rollins avec ses complices Henry Grimes et Pete La Roca, c'est tout simplement la quintessence du Hard Bop. Dans ce style et ce format du trio sans piano, c'est le sommet inégalé depuis. En mars 1959, Sonny Rollins est en tournée en Europe. La légende prétend qu'il a frappé Pete la Roca dans les coulisses de l'Olympia car il n'était pas satisfait de son jeu. Il faudrait demander à Sonny et Pete si c'est vrai. Ce qui est sûr, c'est que ce trio pousse le Be Bop dans ses derniers retranchements. Pour aller plus loin, il faudra changer de style ce que fait Miles Davis la même année avec John Coltrane en enregistrant " Kind of Blue ".

La tournée passe par la Suède (Stockholm), la Suisse (Zurich), les Pays Bas (Laren), l'Allemagne (Francfort) et la France (Aix en Provence). Cet album recueille tous les enregistrements disponibles de ce trio sur scène et à la radio (interview de la radio suédoise). Cela commence très fort avec la première version enregistrée en concert de Saint Thomas tiré de l'album " Saxophone Colossus ", véritable hymne international des fans de Sonny Rollins. Cf extrait audio au dessus de cet article.

 Ca se poursuit avec un " How high the moon "  (10mn46s) d'anthologie (CD 1, n°5) où l'interaction entre le contrebassiste et le batteur devrait faire pâlir d'envie bien des sections rythmiques actuelles. Le trio alterne les standards et les compositions de Rollins qui sont devenues des standards ( Oleo, Paul's Pal). Sur chaque instrument, vous avez un musicien de génie qui change la façon d'en jouer: Sonny Rollins au saxophone ténor, Henry Grimes à la contrebasse et Pete Sims dit La Roca à la batterie qui assure la transition entre Elvin Jones et Tony Williams sans que personne ne s'en aperçoive à l'époque et sans que son talent n'ait jamais été reconnu à sa juste valeur d'ailleurs. Sans frime, sans esbroufe, sans chichi, ces trois jeunes gens débordent du cadre, explosent les formats tout en restant solide, compacts, cohérents. Ce n'est pas du Free Jazz, c'est du Jazz libre. Henry Grimes assure une pulsation ultra précise, ultra rapide. Pete La Roca est sec, clair, net et précis. Sonny Rollins est bien le Boss du saxophone ténor. Chaque musicien compte pour deux au moins. A trois, ils produisent plus de musique et d'émotion que bien des quintettes et sextet. A l'évidence, le piano est inutile dans ce groupe tant chaque musicien prend de place. Son absence est donc logique.

Sonny Rollins ne s'interdisait pas de changer de formation en cours de route. Ici, il change de batteur, rencontrant les batteurs noirs américains installés en Europe. Joe Harris, ancien batteur de Dizzy Gillespie, vit en Suède. Et hop, une petite session pour la radio suédoise. Là, ça joue plus classiquement bebop. Kenny Clarke, le père de la batterie Be Bop, le batteur du grand orchestre de Dizzy Gillespie en 1948, le premier batteur du Modern Jazz Quartet, vit en France. Rollins joue en concert avec lui à Aix en Provence. Avec ces deux jeunes gens qui ont 15-20 ans de moins que lui, Kenny Clarke rajeunit. Dès son introduction de Woody'n'You (l'hommage de Dizzy Gillespie à Woody Herman) , l'auditeur sait que la musique sera brûlante comme de la lave en fusion. Elle l'est tout du long du concert: 3 morceaux pour 52mn22s au bout desquelles Sonny Rollins s'excuse auprès du public de ne pouvoir continuer en disant, en français: " Je suis fatigué ". On le serait à moins. Quant à moi, cette musique ne me fatigue jamais. Si j'ai dû subir de la mauvaise musique (" Il n'y a que deux sortes de musique: la bonne et la mauvaise " Duke Ellington), j'écoute le trio de Sonny Rollins en Europe en 1959 et je remercie les ingénieurs du son, les producteurs, les musiciens de pouvoir vivre ces moments en différé puisque je n'ai pu les vivre en direct.

Voici donc, vives lectrices, vivants lecteurs, le trio composé de Sonny Rollins (saxophone ténor), Henry Grimes (contrebasse), Pete La Roca (batterie), jouant à Laren, Pays Bas, le 7 mars 1959, " Weaver of dreams ". Si vous ne faites pas de beaux rêves avec cette musique, dommage pour vous.      

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