Lenny Popkin Trio comble le Sunset

Publié le par Guillaume Lagrée

Lenny Popkin Trio

Le Sunset

Paris, Ile de France, France

Samedi 18 mars 2017, 20h

Lenny Popkin: saxophone ténor

Gilles Naturel: contrebasse

Carol Tristano: batterie

 

Salut au 33e abonné de ce blog. Belle vie à lui.

 

La dernière fois que j'ai été écouter le trio de Lenny Popkin en concert, c'était en décembre 2013 sur la péniche l'Improviste à Paris. Retourner écouter Lenny Popkin, c'est comme revenir voir un paysage connu et aimé. Vous ne serez pas surpris mais vous serez charmé. Je ne suis pas le seul à le savoir car la salle est archicomble. 20h le samedi, entrée à 10€ (2 fois moins cher que d'habitude), cela explique aussi le succès.

Lenny Popkin fut le disciple du pianiste et compositeur Lennie Tristano (1919-1978). Il a même épousé la fille de Lennie, Carol, qui l'accompagne à la batterie. Bel exemple d'harmonie conjugale. Gilles Naturel au centre se glisse sans s'immiscer.

Pas d'attaque. Le son du ténor glisse comme un patineur élégant sur un lac gelé. Pulsation ultra régulière mais jamais machinale. C'est l'école Tristano: le batteur doit fournir du soutien mais ne jamais la ramener. Le ténor chante. Personne ne joue aussi Cool que Lenny Popkin (1941) en 2017. Lee Konitz se fait vieux (1927). Wayne Marsh et Stan Getz sont morts. Heureusement, Lenny Popkin demeure pour nous transmettre son art. Ca swingue toujours et ne groove jamais. Le public écoute attentivement, captivé. La barmaid fait du bruit mais personne ne lui reproche de faire son métier.

Ce sont certainement des standards mais Lenny Popkin les façonne si subtilement que les titres m'échappent. Balais maintenant. Tout coule (Héraclite).Personne n'a présenté les musiciens. Les musiciens ne présentent pas les morceaux. " Music speaks for itself " (Miles Davis). Cette musique est digne d'un songe de Boudha. Qu'est ce que cela respire! Marche pas à pas mais surtout pas à un rythme militaire. Souple et relâché.

Un standard dont je reconnais l'air. Carol toujours aux balais. Ca balance gracieusement comme du linge qui sèche au gré du vent. Mon voisin, fan de Lenny Popkin, bat la mesure avec son verre. " Pour tenir dans ce métier, il suffit de connaître 7 chansons " (Lee Konitz). Leçon bien retenue par Lenny Popkin. La classe tranquille. Ca marche. Les amoureux devant moi s'enlacent, bercés par cette harmonie conjugale et amicale.

" C'est presque un chat " admire mon voisin. Mieux encore, c'est un cat puisque c'est un Jazzman. Carol reprend les baguettes. Une ballade souple et tranquille. De temps en temps, une attaque du sax pour me surprendre et me démentir. Si rare qu'elle n'en a que plus de prix.

" There will never be another You ". Carol est aux balais. Tempo léger, rapide mais pas trop. C'est charmant d'entendre mari et épouse jouer ce thème. Ce n'est pas l'amour conjugal à la manière d'Alberto Moravia, heureusement pour eux. Un " Oh " d'extase jaillit du fond de la salle. Le trio déroule son tapis volant. Il y a tant de batteurs qui cognent et ne savent pas jouer des balais de nos jours. Qu'ils prennent des cours avec Carol Tristano! Ecoute recueillie. C'est à peine si les soli sont applaudis. Le trio est si soudé que la notion de solo n'a pas grand sens ici d'ailleurs.

Lenny entame une ballade. Ca ondule comme les feuilles d'un saule pleureur sous une brise d'un printemps ensoleillé. Bref, paisible. Une blonde cause au bar se croyant plus intéressante que la musique.

Tempo rapide. Carol aux baguettes. Toujours légère et fluide. Libre comme l'air. La barmaid a disparu. Le bar est en autogestion mais les clients sont sages et captivés par la musique. Personne n'ose se servir. Joli solo à l'archet, délicatement soutenu par la batteuse aux baguettes. Ca grince joyeusement. La musique fonctionne toujours sur les amoureux.

Lenny Popkin ne nous parle pas mais sa musique nous dit tellement. Un standard reconnaissable. Une ballade. " These foolish things " (remind me of You). Carol aux balais. La plus belle version chantée est celle de Frank Sinara après qu'Ava Gardner l'ait quitté. C'est du massage neuronal.

" What is this thing called love? ". Tempo rapide. Baguettes. La barmaid revient officier. Je suis prêt à témoigner que rien n'a été dérobé durant son absence. La batterie cliquète, la contrebasse impulse et le sax s'envole en fumée. Premier solo de batterie du concert. aux baguettes. Carol ne cherche pas à impressionner mais à raconter une histoire. Cette fois, elle monte le son mais sans agressivité. Toujours une pulsation régulière derrière les ornementations.

Lenny présente les musiciens en français avec un délicieux accent américain. Il annonce même le morceau suivant. " Star eyes ", je crois. Stan Getz le jouait comme le note avec justesse mon voisin. Carol est de retour aux balais. Voilà un homme qui voit des étoiles dans les yeux de sa femme et réciproquement. L'eau qui coule pour laver les verres, c'est raccord avec cette musique si fluide, sans aspérité.

" Merci beaucoup. Nous pourrions jouer pour vous pendant des heures mais nous devons partir pour l'autre orchestre. Vous êtes très gentils ". Lenny Popkin.

Tout est dit. Place à Thomas Savy.

 

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