Patrice Caratini " Jazz et Caraïbes " au Studio de l'Ermitage

Publié le par Guillaume Lagrée

Patrice Caratini

Jazz et Caraïbes

3e concert d’une saison parisienne de Patrice Caratini

5 concerts pour 50 ans de scène

Paris. Studio de l’Ermitage

Dimanche 8 novembre 2015. 20h.

Première partie

Tropîcal Jazz Trio

Patrice Caratini : contrebasse

Alain Jean-Marie : piano

Roger Raspail : percussions

Le trio démarre sans prévenir. Roger Raspail joue de ses mains sur les grands tambours Ka et avec une baguette sur une petite cymbale.Ca balance comme un hard bop caribéen, bref à la façon d’Alain Jean-Marie. Gros son de la contrebasse au centre du trio. La musique ondule comme des vagues.

Roger Raspail travaille les tambours à mains nues. Patrice Caratini n’est ni Noir ni Antillais mais s’insère parfaitement dans cette musique. « Les Blancs ont le droit de jouer le makossa, les Noirs ont le droit de jouer Mozart » (Manu Dibango). C’était " Senor Blues » d’Horace Silver dont le père venait du Cap Vert.

« Dendé » (Roger Raspail). Après une intro tranquille, ça devient purement antillais, balançant sous les alizés. C’est l’intelligence de la main chère à Joseph Proudhon : celles d’Alain Jean-Marie qui pressent le clavier du piano, celles de Patrice Caratini qui pincent les cordes de la contrebasse, celles de Roger Raspail qui massent les peaux des tambours. Premier solo de contrebasse grave, majestueux. Il fait exceptionnellement doux à Paris pour la saison. La météo est en accord avec la musique. Alain Jean-Marie joue un air entêtant sur lequel Roger Raspail fait des passements de mains de magicien.

Un air de salsa. Composé par Dizzy Gillespie je pense. Une salsa à l’antillaise. Il y a de quoi danser mais il est interdit de danser ce soir. C’était « Manteca » de Dizzy Gillespie en effet.

Le padjanbel est un rythme guadeloupéen à trois temps (3/4) comme la valse et le Jazz. Un padjembel moderne composé par Alain Jean-Marie pour sa compagne Morena Fattorini « Morena’s Reverie ». Il nous explique sa musique. Aux Antilles, les esclaves venus d’Afrique étaient venus sans instrument. De plus, les ethnies étaient mélangées afin que les esclaves ne complotent pas contre les colons. Ils ont donc inventé un instrument le Gwo Ka, à partir de tonneaux (de contenance gros quart créolisé en Gwo Ka) et de peaux d’animaux. Alain Jean-Marie lance une boucle rythmique à vous rendre fou.

S’ensuit une ballade qui chaloupe doucement guidée par le piano. Il n’y a qu’à éteindre les lumières et déshabiller les danseuses mais les lumières restent allumées, quoique tamisées et personne ne danse. Cruelle déception ! C’était « Italian Soul » (Alain Jean-Marie).

« Tou ca sé pou doudou » (Al Lirvat). Albert Lirvat (1916-2007) est un créateur majeur de la musique antillaise. Après avoir écouté Dizzzy Gillespie en concert à Paris, salle Pleyel, en 1948, il inventa le wabap, mélangeant Be Bop et biguine. Il fut l’un des parrains d’une jeune musicien débutant Alain Jean-Marie (né en 1945) lorsqu’il arriva à Paris. Je danse sur place à défaut de pouvoir danser sur la piste.

« Fleurette africaine » (Duke Ellington). Morceau composé par le Duke pour son album " Money Jungle » en trio avec Charles Mingus (contrebasse) et Max Roach (batterie). Avant de les laisser jouer, Duke dit à ses musiciens de s’imaginer au fin fond de la forêt équatoriale découvrant une fleur unique au milieu d’une clairière. C’est cette émotion qu’ils devaient jouer. Ils ont si bien réussi que le Tropical Jazz Trio a l’intelligence de ne pas jouer ce morceau comme l’original qui est intouchable. Alain Jean-Marie est vraiment un très grand pianiste. Cela a déjà été dit mais ne sera jamais suffisamment répété. Ils le jouent un peu à l’antillaise et ça le fait.

« Calypso » (Kenny Barron). C’est bien un calypso comme Kenny Barron en jouait chez Dizzy Gillespie il y a 50 ans. Les accents toniques sonnent comme de l’anglais parlé par un Jamaïcai. Les percussions claquent, la contrebasse slappe, le piano scintille. Bref, c’est l’Apocalypso comme dit Alain Chamfort.

PAUSE

Deuxième partie

Latidinad Quintet

Patrice Caratini : contrebasse

Manuel Rocheman : piano

Sebastian Quezada : percussions

Inor Sotolongo : percussions

Rémi Sciuto : saxophone alto

La contrebasse lance le débat. Plainte du sax alto. Au départ, c’est beaucoup plus Jazz que latin, plus à écouter qu’à danser. Duo de percussions. Ca commence à chauffer. Ils sont côte à côte et se regardent en jouant. C’était « Father’s mood » (Caratini).

« El cangrejo » (Caratini). Cela signifie le crabe. Le crabe marche de travers et ce morceau aussi selon Patrice Caratini. Ca balance doucement.

« Fever » dans la version caliente de Ray Barretto. Le sax alto remplace la voix de Peggy Lee, Elvis Presley ou Sarah Vaughan selon votre version préférée de ce standard. Ca groove latin à souhait. Le pianiste distille les notes comme un « nez » les gouttes de parfum.

La contrebasse démarre en douceur ponctuée par le piano et les percussions. Ca balance tranquille. Bercé par la musique, je m’endors sous les palmiers, même pas réveillé par un petit coup de cymbales de temps en temps. Finalement, ça pourrait bien être une Bossa Nova d’Antonio Carlos Jobim.

« Pinta » extrait de la suite « Antillas » composée par Patrice Caratini pour Alain Jean-Marie. Pinta est le nom d’une des caravelles de Christophe Colomb sans lequel rien de tout cela ne serait arrivé. Qui fut le plus grand socialiste de l’Histoire ? Christophe Colomb car il est parti sans savoir où il allait, il est arrivé sans savoir où il était, il est revenu prétendant savoir où il avait été sans rien en savoir et tout cela avec l’argent des autres.

Un medley argentin de musiques de la campagne, le tango étant une musique urbaine né dans les bordels comme le Jazz. « Zamba y Malambo ». La Zamba, qui n’a rien à voir avec la Samba des Brésiliens, est un air de séduction, au tempo lent alors que le Malambo marche au rythme des chevaux. En effet, au démarrage, le tempo est lent, séducteur. Sebastian Quezada s’est mis debout pour jouer d’un tambour porté sur son ventre, avec des baguettes, mais pas comme les grenadiers de l’Empereur Napoléon Ier. Avec le malambo, effectivement, le tambour marche à un rythme de pas de cheval. Le sax sonne la cavalcade. A danser en tapant du pied.

RAPPEL

Les percussionnistes ont échangé leurs places. Inor est au tambourin, Sebastian est assis sur le grand tambour argentin de forme parallélépipédique rectangulaire. Le groupe enchaîne sur un air chantant et dansant.

Le public en demande encore. Une petite dernière pour la route. « Besame mucho » évidemment. Sax alto rêveur à souhait. Rythmique onctueuse comme il faut. Ca ne fait pas oublier Barney Wilen , LE saxophoniste associé à ce morceau mais ça tient la comparaison.

Mon voisin n’avait pas écouté Patrice Caratini depuis 30 ans. Ce concert lui a permis de mesurer tout ce qu’il a manqué durant ces années.

Rendez vous pour le 4e concert de la saison parisienne de la saison parisienne de Patrice Caratini le dimanche 6 décembre 2015 à 20h au Studio de l’Ermitage. Au programme, le Big Band Patrice Caratini Jazz Ensemble jouera l’accompagnement musical du film muet « Body and Soul » (1924, film tourné dans le Sud des Etats Unis par un Noir américain, Oscar Micheaux, avec des acteurs noirs américains dont Paul Robeson . Respect) suivi du Bal.

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